POUR QUE MEMOIRE VIVE
LES ENJEUX DE LA RESTAURATION PATRIMONIALE
IMAGES DE LA MORT
25 JUIN 2021
Une belle journée de rencontres et d'échanges au Fort Charlet de Calvi sur une initiative du CCRPMC conduite par Sarah Le Berre-Albertini, directrice du service conservation-restauration du patrimoine mobilier à la Collectivité de Corse et son équipe.
A l'occasion de la résidence d'artiste 2020-2021 Art & Conservation, centrée sur les pratiques funéraires et les gestes garants de mémoire, cette journée matérialisée par l'exposition Mes Mains s'en souviennent" de la lauréate Améliane Jouve analyse notre position face à la disparition, à travers nos pratiques artistiques, patrimoniales et scientifiques".
Disparition, conservation, restauration : mise en perspective et réflexion "sur la relation que nous tissons avec ce qui a disparu et ce qui est en train de disparaître".
Programme de la journée
On peut retrouver les interventions sur la page internet de la direction du patrimoine :
https://www.isula.corsica/patrimoine/Le-Centre-de-Conservation-Restauration-du Patrimoine-Mobilier-de-Corse-CCRPMC
Sarah Le Berre Albertini, qui ouvre cette journée, définit l'acte de restauration et fixe ses limites, ses risques mais aussi sa nécessité.
Elle attire l'attention sur les risques encourus par les oeuvres qui restent dans leur lieu d'origine, les édifices religieux principalement, victimes du manque de maintenance et de restaurations sauvages non professionnelles.
Mais sortir ces oeuvres de leur contexte serait en appauvrir le sens.
Comment alors concilier usage et conservation ? Utopie sans doute ...
Serait-il possible de "dispenser des formations préventives à tous les paroissiens" ? Tâche immense en Corse où 40000 objets sont répartis dans près de 1400 édifices ...
Sarah Le Berre Albertini souligne les oppositions : usage vs patrimoine ; culte vs culture.
En effet, l'oeuvre religieuse dans un édifice a une "fonction" mais conservée et restaurée, elle devient un objet technique, esthétique, historique.
C'est le cas du Christ articulé de Santa-Reparata di Balagna.
RESTAURATION DU CHRIST ARTICULE DE SANTA REPARATA DI BALAGNA par Anaïs Lechat
Le Christ est visible dans la Confrérie Saint-Antoine de Padoue à Santa Reparata.
Etapes de la restauration (Anaïs Lechat restauratrice)
L'IMAGE DE LA MORT DANS LE PATRIMOINE MOBILIER DES EGLISES DE CORSE (Michel-Edouard Nigaglioni)
L'historien de l'art précise d'emblée l'omniprésence de l'image de la mort dans les églises et en décline les différents supports.
L'image du Christ mort
En sculpture et en peinture : crucifix d'autel, de chaire, de procession, tableaux du Christ en croix, Calvaire, Déposition, Pietà, Déploration, Mise au tombeau, Christ mort. C'est un corpus énorme.
Il limite ce jour son propos à quelques exemples remarquables de Christs en bois polychrome. Nous reproduisons ses commentaires, ses datations et attributions et ajoutons quelques exemples personnels.
Hommage aux restaurateurs et restauratrices
Voir notre page sur LA SEMAINE SAINTE "L'INCATENATU DI BISINCHI E LA SCHJUDAZIONE DI MONTICELLO.
M.-E. Nigaglioni cite aussi Ewa Poli qui a restauré le Christ de Saint-Jean-Baptiste de Bastia et celui de Pianello.
Comparaison de style :
La Bonne mort : le transit de Saint Joseph
Les Autels de la mort (les âmes du Purgatoire)
In omnibus operibus tuis memorare novissima tua, et in aeternum non peccabis » (Eccl.7,40) :
"Dans toutes tes actions souviens-toi de ta fin, et tu ne pécheras jamais".
Beati mortui qui in domino moriuntur :
"Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur".
Les sepolcri et cartelami, décors éphémères de la Semaine Sainte.
Reposoirs et antependium (devant d'autel)
Christ articulé
voir nos pages LA SEMAINE SAINTE
Les Christs articulés
Outre les magnifiques statues de Santa-Reparata di Balagna et de Monticello, il y a d'autres exemples en Corse de ces mannequins articulés de bois peint qui ornaient les reposoirs de la Semaine Sainte.
Ils servaient à la "schjudazione" représentation théâtralisée de la descente de croix, qui trouve son origine dans la cérémonie organisée depuis un temps immémorial par les Franciscains de Jérusalem dans la basilique du Saint-Sépulcre. (M.-E. Nigaglioni)
Les reliquaires-monstrances
"La quasi-totalité des reliquaires de Corse sont de type reliquaire-monstrance. Une âme de bois est revêtu frontalement d'une fine tôle d'argent repoussée et ciselée, une lunette vitrée laisse voir un fragment osseux". (Michel-Edouard Nigaglioni)
D'autres reliquaires ont des formes diverses, châsse-coffret vitrée, châsse-reliquaire, bras-reliquaire ...
Le culte funéraire des "gens ordinaires"
Brancards (cataletti), catafalques, bannières
Le catalettu (cf le français chaalit) sert à transporter le mort.
Le catafalque est un monument dressé en hommage au défunt lors de l'office funèbre.
Le cénotaphe est un tombeau vide.
Le sablier ailé qui figure en bas du monument est un symbole funéraire classique : fugacité du temps, envol mystique vers Dieu grâce aux ailes, qui le distinguent de l'objet profane courant.
Dalles tombales
Les bannières :
"Les bannières de procession, utilisées lors des enterrements, offrent des représentations iconographiques de la mort, sous forme d'un squelette armé d'une faux.
La lame de la faux porte souvent l'inscription latine "Nemini Parco" (je n'épargne personne).
Le squelette tient parfois un sablier ailé, symbole de la fugacité du temps imparti à chaque vie et il foule aux pieds des symboles de gloires éphémères, dérisoires devant la puissance de la mort : une tiare de pape, une couronne de roi, une mitre d'évêque". (Michel-Edouard Nigaglioni)
Ce thème de la mort et de la fugacité du temps présenté par Michel-Edouard Nigaglioni est si riche qu'il sera complété dans une autre page.
Il faut ajouter aux motifs présentés : les vêtements liturgiques servant aux offices funèbres, les crânes, les cadrans solaires...
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Le Centre de restauration du Fort Charlet de Calvi est ouvert au public chaque vendredi et mérite une visite : les techniques de restauration et de conservation les plus modernes sont mises en oeuvre, dans un espace parfaitement rénové ; les ateliers de peinture, sculpture, textiles etc. nous montrent le travail et les outils des artistes de la restauration.
Enfin on peut aussi avoir la chance de visiter les réserves.
Sans parler du site et de sa vue imprenable sur la baie de Calvi.
Merci encore à Sarah Le Berre Albertini de nous avoir accueillis en complément de cette riche journée.
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