LA NATIVITE DE LA VIERGE 1ère partie
Novembre 2018
Mise à jour décembre 2022 - novembre 2023
Le 8 septembre la Corse célèbre la Nativité de la Vierge.
On sait avec quelle ferveur Marie est vénérée en Corse, depuis le IVè siècle, au dire des historiens, et bien plus tôt que dans le reste du monde chrétien (le concile d'Ephèse en 431 institue le culte marial).
Elle est officiellement la protectrice de l'île. La Cunsulta de Corte le 30 janvier 1735 a décrété fête nationale le 8 septembre, jour de l'Immaculée Conception.
"Le royaume choisit pour sa protectrice l'Immaculée Conception de la Vierge Marie, dont l'image sera peinte sur ses armes et ses étendards. On en célébrera la fête dans tous les villages avec des salves de mousqueterie".
Avant cela, la Contre-réforme mise en oeuvre lors du Concile de Trente (1545-1563) avait rendu le culte de la Vierge particulièrement éminent.
Sur l'île, 126 églises et oratoires lui seraient dédiées et même l'hymne corse "Dio vi Salve Regina" lui est consacré.
Le 8 septembre donc, la Corse est en fête - c'est même jour férié sur l'île - et l'hommage à Marie "Maria Bambina" prend diverses formes.
Note : si une petite main apparaît sur l'image, cliquez sur l'image pour l'agrandir
LA MADONNE A LA CERISE D'ALISGIANI
A Alesani, on sort, pour la seule fois de l'année, l'original du célèbre tableau de la Vierge à la Cerise attribué à Sano di Pietro peintre siennois du 15è siècle.
Une fois la procession terminée, le tableau repart, sous bonne escorte, au musée d'Aléria.
C'est donc une copie que l'on peut voir dans l'église.
Dans son étude, en décembre 2000, consacrée au couvent St François d'Alesani, Caroline Paoli-Liccia analyse ainsi le tableau de la Vierge à la cerise.
"De petites dimensions, il représente sur un fond d'or la Vierge, placée à gauche, en buste de trois-quarts, portant l'Enfant, à droite, dont le front est appuyé contre la joue de sa Mère ; il porte des cerises à sa bouche de la main droite, tandis que sa main gauche touche l'un de ses pieds d'un geste très puéril.
Son petit format apparemment d'origine ... donne à penser qu'il s'agit probablement d'un tableau de dévotion, peut-être acquis à l'origine par un particulier qui en aurait fait don au couvent d'Alesani ... C'est l'une des oeuvres les plus importantes du patrimoine religieux corse."
A SANTA DI U NIOLU
Tous les 8 septembre depuis 1835, le village de Casamaccioli fête la Santa. C’est le plus ancien et le plus important pèlerinage de toute la Corse.
L’origine de cette fête remonte au Vème siècle. Perdu en mer, un capitaine de marine napolitain implora le secours de la Vierge, qui lui montra sa route avec une étoile qui indiquait le couvent de la Selva.
Pour la remercier, le marin achète une statue de la Vierge à Naples et la remet ensuite aux Corses en ayant soin de la placer sur un âne.
Les villageois sur le passage de l'âne se disputèrent les faveurs de ce dernier jusqu'à lui faire des obstacles afin d'avoir pour eux la statue de la Vierge.
Le seul village qui ne marqua aucune convoitise fut Casamaccioli. C'est après un périlleux voyage, à travers les vallées que l'âne s'arrêta à Casamaccioli sur le champ de foire.
Aussi, il fut décidé par les Corses que ce serait Casamaccioli qui hériterait la statue de la vierge
Des centaines de personnes se déplacent chaque année pour fêter la Santa.
Vêtue de son manteau d'apparat, la Vierge part en procession et remonte la rue principale du village jusqu'au champ de foire.
Là plus d'une centaine de confrères venus de toute l'île réceptionnent la statue et entament la traditionnelle "granitula"
A SANTA DI U NIOLU PROGRAMME 2024
LA MADONNE DE PANCHERACCIA
Au XVIIIè s. une enfant s'était rendue avec sa mère dans un petit bois non loin de Pancheraccia, dans la région de Corté, pour faire des fagots de bois. Comme elle s'était égarée et que l'heure avançait, elle se mit à pleurer, se plaignant d'avoir soif, lorsque soudain, la Vierge lui apparut et lui demanda pourquoi elle pleurait.
L'enfant répondit :
"je me suis égarée et j'ai soif".
A ces mots, la Vierge, faisant un trou dans la terre, en fit jaillir un peu d'eau et lui dit :
" Bois donc et va dire à la population de ce village de venir construire une chapelle ici ".
" Oui, dit l'enfant, mais les gens ne me croiront pas ".
Et la Vierge lui répondit :
" Pour preuve, voici un signe de croix ineffaçable sur ta main, et d'ici un an, tu ne seras plus de ce monde ".
La prophétie s'accomplit. Tout le village se mit alors à l'oeuvre : le maquis fut déboisé, le rocher aplani et la chapelle édifiée à la Madonne de Pancheraccia.
(extrait de l'opuscule présent dans la chapelle).
A Madonna di u paese pregata è festighjata cù fede
"[Ce 8 septembre] les pèlerins de tous âges avançaient tranquillement vers la placette où allait se dérouler la principale messe de la journée. Des enfants couraient, d'autres bien gardés par les mains serrées des grands-mères.
A Pancheraccia, on vient prier en famille. Et on y vient de toute la Corse ... Cette année, la Vierge a été une fois de plus, célébrée avec une grande ferveur."
(Paul-Mathieu Santucci, Corse-Matin, 10 septembre 2018)
C'est la seule statue de la Vierge qui soit portée en procession uniquement par les femmes.
NOTRE DAME DES GRACES DE LAVASINA
La chapelle.
Une famille de marins commerçants en vin, les Danese, obtint d'un client de Rome, insolvable, un tableau représentant la Vierge Marie.
Ils trouvèrent dans l'emballage du tableau la somme exacte de la dette, ce qu'ils considérèrent comme un miracle.
Le tableau fut placé sur l'autel de la chapelle qu'en remerciement la famille fit bâtir à Lavasina non loin de Bastia.
Le Guide de la Corse Mystérieuse (Les Guides Noirs, Tchou éditeur, 1968) signale une autre version du miracle de Lavasina
"un vigneron de Brando aurait expédié en Toscane un vin de qualité inférieure, qui fut refusé par l'acheteur.
Les tonneaux allaient être réexpédiés en Corse lorsqu'un aubergiste se déclara prêt à les échanger contre un tableau. En déroulant ce tableau, le vigneron y retrouva le montant de la vente en pièces d'or" !
L'église Sanctuaire.
La légende veut qu'en 1675 une religieuse franciscaine de Bonifacio dut se réfugier lors d'une tempête à Lavasina. Souffrant de maux qui paralysaient ses jambes, elle se rendait en pèlerinage à Gênes afin d'y trouver la guérison.
Abritée dans la chapelle elle fit oindre ses jambes d'huile de la lampe qui éclairait le tableau de la Vierge et guérit instantanément. La chapelle fut alors érigée par l'Eglise en sanctuaire (1677).
Devant un tel miracle l'évêque de Mariana ordonna qu'on organise une procession à laquelle participèrent de nombreux fidèles.
Depuis lors, le 8 septembre de chaque année, fête de la Nativité de la Vierge Marie, les pèlerins affluent en grand nombre de toute la Corse pour rendre grâce à Notre-Dame de Lavasina.
Dès 1676 l'évêque de Mariana décida de construire une église afin d'y conserver le tableau et d'y accueillir les nombreux pèlerins.
En mai 1952, en présence de Mgr Roncalli, le futur pape Jean XXIII, le tableau miraculeux reçut officiellement des mains de Mgr Llosa les deux couronnes d'or qui ornent depuis lors la tête des deux sujets.
Ce tableau, intitulé Notre-Dame des Grâces en vertu des nombreux miracles qui se seraient produits, figure la Vierge de profil, à genoux, tenant l'enfant dans ses bras et l'entourant d'un voile.
Derrière elle, sur un fond de paysage sylvestre, on voit Joseph à droite, Elisabeth et Jean-Baptiste enfant à gauche.
Cette oeuvre fut copiée de nombreuses fois pour les églises corses. Voir la page qui lui est consacrée.
Les "miracles" à Lavasina.
Des guérisons inexplicables se sont produites aussi à une époque plus récente ; elles sont remémorées par de nombreux ex-voto, remontant jusqu'en 1786, exposés dans le couloir du couvent.
(cf. Les ex-voto de Lavasina par Dominique Jaboulet de l'Association Patrimoniu nustrale, septembre 2018).
La statue processionnelle représentant la Vierge et l'Enfant du tableau fut réalisée en 1883.
Chaque année, la procession rassemble de nombreux fidèles et l'on mange le traditionnel repas de tripettes.
Jean-Charles Ciavatti nous signale qu'aujourd'hui encore on prénomme des petites filles Lavasina.
A MOLTIFAO "A MADONNA DI U BANDITU"
A la fin du XVIIè s., en 1647, Vincenzo Arrighi, un banni de Corse, rescapé de la peste, fit confectionner, pour remercier la Vierge, une statue en marbre qu'il fit embarquer pour la Corse.
(Sous la main gauche de la Vierge on remarque l'inscription : Vincenzo Arrighi bandito salvato della pesta"): "
Il envoya des courriers à de nombreuses communes : la commune où la statue restera plus de deux jours la gardera !
Les habitants de Moltifao iront la chercher à Canavaggia pour la ramener dans leur village d'où elle ne repartira plus.
Elle sera fêtée le 8 septembre d'une manière plutôt originale ! En effet le droit de porter en procession la lourde statue, (800 kg à l'origine, mais évidée depuis et ne pesant plus (!) que 300 kg), sera mis ... aux enchères ! Tradition longtemps controversée mais toujours maintenue.
La Vierge de Caccia - Corse catholique 1931
"La fête de la Nativité attire, chaque année, dans notre antique église, une foule considérable de fidèles aux pieds de la Madone. De la porter en procession autour du village, on se dispute l'honneur à prix d'argent. Les cierges qui brûlent autour de la statue sont innombrables et la quête faite pendant la messe produit une somme assez rondelette.
La Vierge est représentée, grandeur naturelle, tenant l'Enfant Jésus dans ses bras. Sa figure est sis souriante qu'on la dirait en chair et en os. La statue est en marbre blanc de Carrare et le sculpteur qui l'a taillée a été bien inspiré.
Voici l'histoire d'après laquelle la paroisse de Moltifao possède une vierge si belle et si rare. Un inscription succincte que tient, gravée sur un rouleau, la main gauche de la statue permet d'en reconstituer les épisodes les plus marquants.
Le texte est ainsi conçu : Vincente Arrighi - bandito - salvato dalla peste - P.G.D. U.V. anno 1657.
D'après cette inscription, est-il si malaisé d'imaginer la tragique odyssée de ce jeune pâtre, nommé Vincent Arrighi et obligé, pour des raisons que je me garderai bien d'expliquer ici, de quitter l'île natale et de passer en Italie. Il dut y vivre longtemps en homme sérieux et travailleur. A une certaine époque, la peste éclata dans la province semant partout la terreur. L'ancien berger de Caccia en fut tellement effrayé qu'il fit voeu s'il en réchappait, de faire sculpter les traits de la Vierge dans le marbre et d'en faire don à son village
Avec ses économies, il réussit à réunir la somme nécessaire à cet effet. Mais comment la faire parvenir à Moltifao, sa paroisse, à une époque où il n'existait ni routes reliant les villages entre eux, ni chemins carrossables conduisant des ports de mer au centre de l'île ? Le pieux Vincent s'arrangea de telle façon qu'il mena à bien son entreprise.
Il commença par chercher un capitaine de bateau marchand qui transporterait sa statue d'un port d'Italie (Gênes ou Livourne) à Saint-Florent en Corse, port le plus proche, à cette époque, de Moltifao. Quant au transport de Saint-Florent à cette dernière localité, voici le stratagème qu'il employa pour arriver à ses fins.
Les Moltifinchi s'empressèrent d'aller réclamer leur statue à Santo-Pietro et malgré son poids lourd, la transportèrent dans leur église. elle y est devenue depuis, non seulement pour cette paroisse mais pour les environs, l'objet d'une grande vénération.
Est-elle jolie la légende de la Vierge de Caccia, basée sur une tradition certaine, pieusement gardée par les anciens du village et comment ne pas admirer l'ingéniosité du jeune pâtre lui assurant, à travers mille difficultés, un transport rapide que nous envieraient aujourd'hui nos compagnies modernes.
Ah qu'elle daigne nous protéger toujours cette bonne Mère ! De notre côté, nous lui restons fidèles.
UN CACCIANINCU.
L'article de Noël Kruslin paru dans Corse-Matin, le 9 septembre 2014 évoque cette tradition.
Il rappelle que le curé n'était pas favorable à cette mise à prix, mais comme l'évêque avait dit que c'était une vieille coutume, le curé ne s'y était pas opposé ...
Et puis cet argent profitait à la paroisse, au comité de restauration de l'église ...
Cette année-là il aura fallu débourser quelque 1000 euros pour se porter à l'avant de la Santa.
Autre article paru dans Bastia-Journal du 10 septembre 1937 :
"La fête patronale du 8 septembre attire toujours un grand concours de population, mais cette année l'affluence a plus que doublé.
Du continent, des colonies, tous les enfants de Moltifao aiment à venir se retrouver, ce jour-là aux pieds de cette Madone de Caccia à laquelle se rattachent les plus chers souvenirs de leur joyeuse enfance.
La statue de la Vierge idéalement sculptée dans un seul bloc de marbre nous accueille au centre de l'église dans un brasillement de cierges ...
Dans une allocution remarquée, le jeune prédicateur M. l'abbé de Champlain, curé d'Asco, dégageait pour son auditoire le sens profond et l'intime beauté de la cérémonie ...
Et ce fut l'inoubliable procession où l'on se disputa l'insigne honneur de se faire les humbles portefaix de la Vierge dont la statue pèse plus de 800 kilos !
Celle-ci, portée à bras par douze hommes solides, fit lentement le tour de la place dans une "granitola" qui rappelle le défilé des Hébreux devant l'Arche.
Une envolée de carillons ... les pétards fusent et les kodaks se braquent ... Coup d'oeil unique !
Procession à Moltifao - Croquis Léon Charles Canniccioni
Notre-Dame-de-la-Stella (Lavatoggio)
Chaque année de nombreux fidèles originaires de Balagne se retrouvent sur le plateau di A Sarra, non loin de la commune de Lavatoggio, à l'occasion du traditionnel pèlerinage de Notre-Dame-de-la-Stella.
"Selon la légende, lors d'une violente tempête au large de Galéria, la capitaine d'un navire en perdition implora la Vierge. Il fut entendu ; les flots se calmèrent et une étoile apparut. Le capitaine en guise de gratitude offrit une statue de la Vierge aux moines du couvent." (Corse-Matin, 9 septembre 2018)
Notre-Dame-de-la Serra (Calvi)
Même rituel non loin de Calvi où une foule nombreuse rend hommage à la nativité de la Vierge Marie au pied de la statue de Notre-Dame-de-la-Serra.
2 septembre 2022 Notre-Dame de la Serra brisée par la foudre
La statue de la Vierge, frappée par la foudre a subi d'importants dégâts.
Edifiée en 1950, protectrice des Calvais, sa destruction a provoqué une intense émotion parmi la population, à seulement quelques jours du pèlerinage de Notre Dame de la Serra, le 8 septembre
Le 7 septembre 2023 la nouvelle statue de Notre Dame de la Serra a retrouvé son rocher
"Un an après avoir été détruite par la foudre, Notre Dame de la Serra retrouve sa place sur son rocher. La nouvelle statue a été posée hier (7 septembre) et sera inaugurée le dimanche 10 septembre.
Le 2 septembre de l'année dernière la population apprenait avec stupeur la destruction par la foudre de la statue.
Ce jeudi 7 septembre 2023, les engins de l'entreprise Maestria ont levé la statue de marbre blanc pour venir la poser sur le rocher qui accueillait déjà le précédente statue. Cette opération délicate a duré trois heures et nécessité plusieurs tentatives.
La statue en marbre de Carrara, mesurant deux mètres cinquante et pesant plus de deux tonnes, veille à nouveau sur la baie de Calvi."
Jean-François Pacelli in Corse Matin, 8 septembre 2023
Cliché Corse-Matin
Dans le Sud également villes et villages fêtent la Nativité de la Vierge.
Plusieurs églises sont dédiées à la nativité de la Vierge. Pour ce qu'on connaît :
Casamaccioli, Corbara (Notre-Dame-du-Lazio), Ghisoni, Penta-Acquatella, Rusio, Vallica en Haute-Corse ; Azilone-Ampaza, Grossa, et l'ancien couvent de Paomia (Cargèse) en Corse-du-Sud.
A Cargèse (Paomia), les moines basiliens de l'ancien couvent ont reconstruit au 17e s. la chapelle Saint-Martin, qu'ils ont dédiée à La Nativité de la Vierge.
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