VI. LES PERSONNALITES LIEES AU VILLAGE D'ASCO

 

 

 

U SAVIU D'ASCU - LE SAGE D'ASCO

 

La création du village actuel d'Asco remonte aux années 1700.

 

Pour faire face à l’isolement, ses habitants s’organisent très tôt en une communauté fortement soudée.

 

Ils élisent un Sage et instaurent ainsi des règles de vie uniques en Corse.

 

Dans son livre « Pour une vallée sereine, le Sage d’Asco, La Marge 1986 », Antoine Trojani nous raconte l’historique du « Saviu d’Ascu ».

 

Le plus ancien du village avait réuni les habitants pour leur demander d’élire quelqu’un qui puisse notamment organiser la défense du village.

 

« mais [leur dit-il], ce n’est pas seulement un capitaine, un homme de guerre, qu’il nous faut, c’est un administrateur, un guide suprême, connaissant nos besoins et cherchant à les satisfaire ; quelqu’un qui sache nous conseiller, un juge qui apaise nos conflits personnels et mesquins, un maître qui sache prendre notre défense auprès des autorités civiles et religieuses, fort, instruit, honnête,. Il faut donc qu’il soit sensé, écouté et suivi. » (p.55)

 

Ainsi fut élu le « Saviu d’Ascu » qui prépara « les articles d’une sorte de constitution de la communauté précisant les droits, les devoirs et les attributions de tous et les siens. » (p.56)

 

La réputation du Sage d’Asco franchit les limites du territoire. Si l’on cherche le mot « saviu » dans un dictionnaire corse, ce mot est aussitôt associé au village d’Asco.

 

Ne dit-on pas, encore de nos jours, de quelqu’un qui sait tout « Quessu ne sà quante u Saviu d’Ascu » - Il en sait autant que le Sage d’Asco !

 

On retrouvera l’empreinte du Sage d’Asco dans de nombreuses histoires que nous avons entendu raconter lors des fameuses « veghje », ces veillées où nous nous régalions aussi de vin chaud et de « fasgiole », les châtaignes rôties dans la « fasgjulaghja ».

 

Ces histoires opposaient souvent les «Aschesi » aux « Sebulinchi », habitants du village Sebula situé entre Asco et Moltifao.

 

Et cela tournait toujours à l’avantage des Aschesi réputés plus intelligents et malins, du moins en étaient-ils persuadés !

 

U matrimoniu di Sebula

 

Un ghjornu d’aostu, indè a parocchja di Sebula si duvia celebrà un matrimoniu. Unu di quelli matrimonii chì si facianu tandu: ghjente ben vestita, sposa chì duvia prisentassi davanti à a ghjesgia è entreci à cavallu.

 

U ghjornu ghjuntu eccu i paisani daretu à i futuri sposi chì  si ne vanu versu  a ghjesgia.

Ghjunti davanti à a porta u coppiu si ferma; “ma chì ci hè ?”  si dumandanu i paisani.

 

 “Ci hè chì a sposa à cavallu ùn pò entre in ghjesgia! Un’ pò entre chì mena indè u cantone di a porta! Cume fa ? ma cume fa? L’affare dura un pezzu! A un mumentu un paisanu prupone una suluzione.

 

“O ghjente ci hè pocu à pinsà! Ci vole à taglià o i pedi di u cavallu o u capu di a signora!”

 

-   "Piombu! Taglià i pedi di u cavallu hè un affare; ma taglià u capu di a damicella hè ancu peghju!

-         

-        O zitè, sarà megliu à chjamà u Saviu d’ Ascu; ellu saperà cume fa

 

Allora fanu cusì. Ci n’hè unu chì hè  incaricatu  pè andà à circà u Saviu. Qualchi tempu dopu, ecculi chì affaccanu in piazza à a  ghjesgia. U Saviu  s’indirizza à a futura sposa è li dumanda:

 

“ O signurina, chì  sarebbe l’affare ?

 

-   “ O sgiò Saviu, guardate, ùn possu entre in ghjesgia chì cù u mo capu mengu innantu à a porta! E’ si parla di tagliammi u capu!”

-         

Allora u Saviu trinnicheghja  u capu, riflette un mumentu eppò s’avvicina à a giuvanotta, a chjappa pè u torchjulu, li face  ghjimbà u capu è  punta  u cavallu.

 

Cusì  entrenu in ghjesgia a damicellu incù u so capu è u cavallu incù i so pedi!

 

Applausu  generale è mughji: “ Ma chì  miraculu! Chì miraculu!” U Saviu d’Ascu ne sà affari !

 

 

Traduction :

 

Un jour du mois d’août on devait célébrer un mariage dans la paroisse de Sebula ; un de ces mariages qui se faisait à cette époque : des gens bien habillés et la future mariée qui devait entrer dans l’église à cheval.

 

Le jour venu les futurs époux, suivis des villageois, se dirigent vers l’église. Arrivé devant la porte le couple s’arrête. “Que se passe-t-il” se demandent les villageois.

 

C’est que la future mariée ne peut entrer dans l’église à cheval, elle ne peut y entrer car sa tête heurte le linteau !

 

Mais que faire, que faire ? Cela dure un certain temps puis un villageois avance une solution :

 

“Les amis, il n’est plus temps de penser ! Il faut couper les pieds du cheval ou la tête de la mariée !”

 

Ca alors ! Couper les pieds du cheval c’est quelque chose mais couper la tête de la mariée c’est encore pire ! Il vaut mieux aller chercher le Sage d’Asco, lui il saura comment faire.

 

Quelqu’un va donc chercher le sage qui arrive peu de temps après. Le Sage s’adresse à la future épouse.

 

- Quel est le problème Mademoiselle ?

 

- Monsieur le Sage, regardez, je ne peux entrer dans l’église car avec ma tête je cogne contre la porte et l’on parle de me couper la tête !

 

Le sage hoche la tête, réfléchit un moment, puis s’approche de la jeune dame, l’attrape par le chignon, lui fait baisser la tête et fait avancer le cheval.

 

C’est ainsi qu’ils pénètrent dans l’église, la jeune dame avec sa tête et le cheval avec ses pieds.

 

Applaudissements et cris. “Mais quel miracle, quel miracle ! Ah le Sage d’Asco il en sait des choses !”

 

« I pedi imbulichjati », Les pieds emmêlés

 

Ce conte parle d’un groupe de villageois de Sebula endormis au coin du feu qui n'arrivent pas à se lever le lendemain matin  parce qu'ils ont les jambes et les pieds emmêlés.

 

Ils font alors appel au Sage d’Asco qui muni d’un tison pique les pieds emmêlés et chacun retrouve ainsi ses jambes !

 

Mais il existe une autre version qui met en scène non pas des hommes mais des femmes.

 

Una di U Saviu d’Ascu

 

Una rucchiata di donne, andate a veghia in de ziu Pancottu, s’eranu chinate in tondu in tondu a u fucolare, cu i so pedi nudi nantu a ziglia, l’uni attaccu all’altri.

 

A a fine di a veghja una d’elle, zia Staccchetta, disse : « Sarà ora d’andaccine, o surelle. Ma cume faremu a truvà i nostri pedi, ugnana i soi, chi so tutti attaccati inseme ? »

 

« Umbè ! Avà si chi stemu fresche ! » grido’ zia Sardella, ch’un li saria parsu veru di cambià i so pedi vizzi e pieni di calli cu un altru paghiu mene rughigosi

 

In de stu mentre ghiugne, inaspittatu, u Saviu d’Ascu

« Ben binutu ! » mughia ziu Pancottu «  Bi manda u Signore »

« E chi c’è di novu ? «  dice u Saviu

« C’è chi se donne un trovanu più i so pedi, e tintarelle »

« O, e corce !  Laciatemi fidià : chi sa ch’un lu trovi eju qualchi rimediu a su malannu  Aghiu capitu Eureka ! cum’ellu dicia Archimede »

 

U Saviu s’incugna tra duje donne : acchiappa pa a coda un tizzone e taccchete, tacchete, mena chi ti mena nantu i pedi nudi

O Maria Vergine, chi scumbigliu ! Una pesula, un’altra zarpitegghia, un’altra salticchiulegghia ; tutte stridenu ume curnacchie e fugghienu, cu i talorchi in aria, cume saette

U Saviu scaccanegghia, tinendusi  a trippa cu tuttaduje e mani

 

U Babbuziu in A Muvra 1924

 

Ziu Pitrusellu ha immurtalatu stu fattu cu se tre sistine

 

 

Traduction

 

Des femmes, en petit groupe, étaient allées à la veillée chez l’oncle Pancottu. Elles s’étaient assises tout autour du foyer, les pieds nus sur le rebord de l’âtre, les uns emmêlés aux autres.

 

A la fin de la veillée, l’une d’elles, tante Stacchetta dit : Il est l’heure de partir, mes amies. Mais comment faire pour retrouver nos pieds, chacune les siens, car ils sont tous emmêlés ? »

 

« Hum ! Là on est mal ! » crie tante Sardella qui n’aurait jamais cru pouvoir échanger ses pieds fripés et pleins de cals avec une autre paire moins rugueux.

 

Sur ce arrive, inattendu, le Sage d’Asco

 

« Soyez le bienvenu ! », crie l’oncle Pancottu ». C’est le Seigneur qui vous envoie. »

« Quoi de neuf ? » dit le Sage

« Le problème c’est que ces dames ne retrouvent plus leurs pieds, les malheureuses. »

« Oh les pauvres ! Laissez-moi regarder : qui sait peut-être trouverai-je un remède pour ce malheur. J’ai compris. Eureka comme disait Archimède. »

 

Le Sage se glisse entre deux femmes, se saisit d’un tison et toc et toc que je te frappe sur les pieds nus.

 

« Oh Vierge Marie ! Quel vacarme ! L’une fait des bonds, une autre trépigne, une autre sautille. Toutes croassent comme des corneilles  et s’enfuient, les jambes à leur cou, comme des éclairs.

 

Le Sage éclate de rire  en se tenant le ventre des deux mains.

 

*Pancottu, Sardella, Stacchetta, Pitrusellu : surnoms imagés que l’on pourrait traduire par Pain cuit, Sardine, Gros clou, Persil !

 

L’oncle Pitrusellu a immortalisé cette histoire en écrivant 3 strophes de six vers (3 sixains)

 

Traduction

 

O Socrate, ô Platon, ô sages, ô hommes illustres,

Honneurs et lumières de votre époque,

Dignes d’être chantés en vers et en rimes,

Qui d’entre vous est aussi renommé

Que le Sage, qui un soir avec un tison

Fit danser un mémorable tarascon* ?

 

Le Sage d’Asco : - voici un rare talent,

Célèbre dans le monde entier et au-delà :

Orgueil de notre lignée : cher à tous,

Aux hommes, aux femmes, aux juges et aux bandits.

Elèvons-lui, ô Corses, un grand monument

Au grand air sur le Sommet du vent !

 

Depuis le soir où les talons couverts de cendres

D’un petit groupe de femmes firent de lui

Le plus majestueux des glorieux sages,

Son nom se répandit comme le tonnerre.

Et la Corse comprit qu’elle possédait

Son Socrate, son Biante*, son Archimède.

 

 

*tarascone : danse populaire

* Biante : Bias de Priène était un philosophe grec du VIè siècle AV, souvent cité dans la liste des sept Sages de Grèce. 

 

L’assassinat du Padr’Ascu.

 

C’est Antoine Trojani qui nous conte ce tragique épisode de l’assassinat du Padr’Asco et de la terrible vengeance qui s’ensuivit.

(Pour une vallée sereine, La Marge éditions 1986, pp.273-292)

 

Résumé :

 

Paul, le Sage d’Asco participe à une consulte organisée dans le village d’Alesani. Là devant une forte assemblée, à laquelle participent tous les notables, il expose les mérites de la juridiction qu’il a mise en place dans la vallée d’Asco, avec le consentement de la population.

 

« Tout d’abord, dans chaque village, dans chaque piève, dans toute l’Ile, il faut l’UNION ; une union volontaire autour d’un homme reconnu par tous comme honnête, sensé, aisé, juste, instruit …

 

Points forts :

 

- Faire abstraction de l’esprit de clocher

- ne reconnaître ni seigneurs ni sujets

- indépendance vis-à-vis des seigneurs 

- solidarité et entr’aide

- lutter contre l’ignorance

- constituer des réserves communes pour les cas de malheur

 

Evidemment un tel discours ne pouvait que déplaire aux notables et seigneurs de la piève qui décidèrent de se débarrasser de cet individu gênant.

 

Le Sage savait qu’il risquait sa vie. Malgré les précautions prises lors de son retour à Asco, lui et ses hommes tombèrent dans une embuscade. Tous, sauf un, furent tués à coups de couteau.

 

Ce meurtre eut un grand retentissement dans toutes les pieve.

 

« Le curé de Sant’Angelo officiait lors des cérémonies religieuses, assisté des curés de San Nicolao, de Sepula et des deux curés de Moltifao.

Les notables de la communauté et ceux des pievi voisines de Caccia, Giussani, Talcine, Canali et Niolo avaient fait le pénible voyage pour rendre hommage au Sage …

 

Dans les voceri nombreux et plus poignants les uns que les autres, la colère se mêlait à la douleur, les sanglots aux malédictions, les louanges du Sage, les relations de ses nombreux bienfaits, aux appels à la vengeance. Il ne faut pas que les crimes, et surtout l’assassinat de notre grand Sage demeurent impunis !

 

Et la vengeance eut lieu. Les uns après les autres, hommes de main et seigneurs furent à leur tour exterminés.

 

« Partout dans notre Ile, la « Vendetta » est considérée comme un devoir sacré des enfants envers leurs parents. Paul, notre Sage, était notre bienfaiteur à tous, notre père. Il a été vengé par ses enfants. »

 

 

 

DON JOSEPH PARSI, "LE PADR'ASCU" (1763-1839)

 

Joseph Parsi est né à Asco en 1763.

Entré de bonne heure dans les ordres sacrés, il commence ses études en Italie et s'établit à Asco comme vicaire succursaliste.

Joseph Parsi consacre la première année de sa vie sacerdotale en Corse à l'éducation de la jeunesse. 

L'administration centrale du Golo le nomme instituteur de l'école primaire d'Asco le 12 frimaire de l'An 6.

Il enseignera à lire, à écrire, les éléments de l'arithmétique et ceux de la morale. 

Il a assisté en 1805 à la chute de la météorite à Asco.

Il est l'auteur de nombreux écrits ; il officiera au village pendant une quarantaine d'années.

Il décède le 6 mars 1839 à l'âge de 76 ans.

 

Mention du Padr’Ascu par le Docteur Antoine Mattei, Annales de la Corse, n°32 1879, p.115

 

« De 1790 jusqu’à 1840, le curé Joseph Parsi, surnommé le Padr’Ascu, était l’arbitre absolu et vénéré de toutes les affaires. Les chaos de la grande révolution ne retentirent pas dans les vallées d’Asco, qui sont faites par nature pour être inaccessibles.

 

L’abbé Parsi qui était poète, philosophe et théologien, réunit autour de lui les élèves d’élite des provinces environnantes et, et sans parler d’une centaine de prêtres qui ont été instruits par lui, il me suffira de dire que le conseiller M. Nescia, Mgr Calisti de Corté, Jean-Vitus Grimaldi et bien d’autres littérateurs et poètes se faisaient une gloire d’avoir été les élèves du Padr'Ascu. »

 

Dans son opuscule, Autour de l'église d'Asco (Paris 1922, Imprimerie Mazel, p.13), l'abbé François Trojani, parle ainsi de son oncle l'abbé Joseph Parsi, le célèbre Padr'Asco :

 

« Parmi les prêtres qui desservirent cette montagneuse paroisse si retirée, auréolée d’une renommée insulaire, émerge la belle figure du Padr’Ascu, Abbé Joseph Parsi.

 

Moine de l’ordre de St François,  il professa dans les collèges, avec une rare distinction, la philosophie. La tourmente révolutionnaire le ramena dans son village natal où il se rendit célèbre et comme prédicateur, connaissant à fond la langue dantesque, et surtout comme professeur vraiment doué de la bosse d’enseignement.

 

Il eut plus de 60 élèves à la fois qui, de toutes les pièves environnantes, accouraient à Asco attirés par le renom célèbre et très populaire du Padr’Asco ».

 

 

 

 

Autres évocations :

 

"Fra i parroci di Asco, occorre ricordare la bella figura di Don Giuseppe Parsi, già francescano, detto Padr'Asco, erudito filosofo predicatore brillante e facondo, e dotto conoscitore della lingua di Dante.

 

Fu anche educatore di grande valore, tanto che la sua fama aveva varcato i monti : ebbe molti allievi, fra i quali Gian Vito Grimaldi, che si reco' poi a compiere i suoi studi a Roma dove fu implicato nei famosi moti del 1831, e ritornato in patria scrisse e pubblico' molte novelle e poesie di vario argomento."

 

(O. Tencajoli, Chiese di Corsica, p.35)

 

CPA - Maison du Padr'Asco
CPA - Maison du Padr'Asco
Maison actuelle
Maison actuelle

IN HAC SUA DOMU E VITA EXIVIT SACERDOS ET MAGISTER IN PHILOSOPHIA FRANCISCANA JOSEPH PARSI VULGUS DICTUS PADR’ASCO ANNO OETATIS SUOE

76.

1763 – 1839

 

 

DISCIPULI CUJUS IN NUMERI NOMEN CORSICANUM EXALTAVERUNT TAM IN ORDINE CIVILI QUAM RELIGIOSO R.I.P.

 

Dans cette maison qui fut la sienne, mourut à l'âge de 76 ans, Joseph Parsi ; prêtre et maître en philosophie franciscaine, appelé communément Padr'Ascu.  (1763-1839)

 

Ses nombreux élèves glorifièrent son nom corse aussi bien dans le domaine civil que religieux.

Qu'il repose en paix.

 

 


 

Plaque apposée en juillet 1931 comme le rapporte Antoine Trojani dans son discours consacré aux noces d'or de son oncle,  l'abbé François Trojani (Bastia-Journal 25 juillet 1931)

 

Ci-dessous l'acte de décès, le 6 mars 1839 de Don Giuseppe Parsi (Padr'Ascu) recteur de la paroisse d'Asco, sur la déclaration faite par ses neveux germains Alessandro Parsi et Pietro Maria Martini.

 

 

 

 

 

 L'abbé FRANCOIS TROJANI (1859 -1934)

 

 

Né le 5 janvier 1859 à Asco, François Trojani fit de brillantes études. Lauréat des facultés catholiques de Lyon, licencié en droit ecclésiastique et en théologie il fut ordonné prêtre le 10 juillet 1881.

 

Nommé vicaire d'Olmi-Cappella le 1er janvier 1883, puis curé de Vallica le 16 mars 1884, il rejoindra le 10 mai 1885 la commune d'Asco où il exercera sa charge jusqu'à sa mort en 1934.

 

 

"... juillet 1881, juillet 1931, un demi-siècle au cours duquel l'abbé Trojani déploya une activité prodigieuse, exclusivement consacrée au village où vécurent ses ancêtres, où il est né, où il a voulu vivre toute sa vie de prêtre montagnard, se dépensant sans souci de l'heure ni du temps pour ses ouailles ...

 

... s'il est docteur en droit canon, il pourrait être aussi docteur en droit civil, docteur en médecine, docteur en lettres ; il est poète, journaliste, historien, orateur, musicien, philologue, paléologue, paléontologue ... et sans ambition. 

 

... [l'abbé Trojani] s'installa dans sa paroisse d'origine qu'il ne devait plus quitter, dédaignant pour lui rester fidèle des postes plus avantageux ou des titres plus honorifiques : il n'a jamais voulu être que le curé d'Asco".

 

Antoine Trojani, pour les noces d'or sacerdotales de l'abbé Trojani, in Bastia-Journal du 25 juillet 1931.

 

François Trojani - Revue "L'Auto"
François Trojani - Revue "L'Auto"
Extrait de l'acte de naissance de François Trojani
Extrait de l'acte de naissance de François Trojani

 

Il a été alpiniste, archéologue, écrivain, photographe, publiciste, président du syndicat d'initiative d'Asco, conseiller général bonapartiste du canton de Castifao de 1896 à 1898.

 

Asco - Années 1920 - Visite de Mgr Simeone avec l'abbé Trojani - Place de l'église devant le monument aux morts
Asco - Années 1920 - Visite de Mgr Simeone avec l'abbé Trojani - Place de l'église devant le monument aux morts

 

Il a été élevé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur par décret du 11 novembre 1931.

 

"La Croix qu'il vient de recevoir, et que très peu d'ecclésiastiques corses peuvent  se vanter de porter, n'est que la récompense tardive mais amplement méritée des services qu'a rendus l'abbé François Trojani à la République, à la Corse et ... à l'église".

(Antoine Trojani in Bastia-Journal, vendredi 20 novembre 1931)

 

Autre article paru dans le même journal le 21 avril 1932 :

 

Le dimanche 3 avril [1932] a eu lieu la décoration de M. l'abbé Trojani comme Chevalier de la Légion d'Honneur. La cérémonie a eu lieu dans la plus stricte intimité. M. Césaire Colombani, Chevalier de la Légion d'Honneur, Maire de Moltifao, Conseiller général de notre canton, a été le parrain du nouveau décoré.

 

M. l'abbé Trojani a exprimé, en termes émus, sa joie d'être décoré dans l'ancien presbytère, sa maison qui l'a connu jeune étudiant, puis prêtre et qu'il habite depuis cinquante ans.

 

Il a dit également son bonheur de se voir, en cette heureuse circonstance, entouré de tous les siens.

 

Il serait oiseux de répéter les mérites de l'abbé Trojani tant au point de vue se ses études historiques et touristiques qu'au point de vue humanitaire et sacerdotal."

 

Antoine Trojani in Bastia-Journal

 

 

 

L'abbé Trojani a écrit de nombreux articles, notamment sur l’origine de son village Asco.  (Revue de la Corse historique et littéraire).

 

Il a publié un ouvrage sur la Forêt de Carozzica, étude et paysage  en 1895 et en 1922 une monographie, Autour de l’église d’Asco dans laquelle il donne de précieux renseignements sur l'église Saint-Michel.

 

"Il faut féliciter M. l'abbé Trojani, curé d'Asco et ancien Conseiller général de la Corse de s'être attaché à une besogne utile entre toutes : étudier l'histoire de son pays natal, consacrer au village qui l'a vu naître et où il a tenu à se fixer, une monographie intéressante.

 

Il a voulu écrire une page de l'histoire religieuse de la Corse, à laquelle il travaille depuis de longues années et le sympathique et savant ecclésiastique a voulu commencer par la paroisse qui lui est chère, et où il exerce encore le saint ministère.

 

Il faut louer M. l'abbé Trojani d'avoir su tracer un portrait vivant et à juste titre admiratif du célèbre Franciscain Joseph Parsi, surnommé Padr'Asco, qui fut curé d'Asco et grand-oncle de M. Trojani ...

 

Le pittoresque village d'Asco, un des plus anciens et curieux de la Corse, avec sa population si attachée aux saines traditions, au milieu des plus hautes montagnes de l'île, sur la lisière de la magnifique forêt de Carozzica, a donc eu le bonheur de trouver un historiographe, qui aime son pays et sait le faire aimer, en la personne de son curé, M. l'abbé Trojani".

 

REVUE DE LA CORSE ANCIENNE ET MODERNE

N°24 NOVEMBRE / DECEMBRE 1923

ARTICLE DE PAUL GRAZIANI

 

 

 

Curé d’Asco de 1885 à 1934 il s’est occupé avec dévouement de l’église dont il avait la charge comme le montre une délibération du conseil municipal d’Asco du 25 décembre 1898 :

 

« L’abbé Trojani desservant de la paroisse  d’Asco  depuis 15 ans environ, mérite, de la part des Représentants de la Commune, des éloges pour le zèle et le dévouement dont il a sans cesse donné des preuves à l’endroit du monument communal qu’est notre Eglise paroissiale,

 

- qu’en effet lors de son arrivée dans notre commune en 1885, la voûte de notre église menaçait ruine par suite du mauvais état tant de la charpente que de la toiture elle-même ; ces deux parties importantes furent refaites à neuf par ses soins et son infatigable activité, et les réparations urgentes de la voûte furent également exécutées,

 

– que les trois cloches étant fêlées et un grand désaccord régnant à ce sujet dans la population, non seulement il calma les effervescences des esprits de ses paroissiens, mais il sut aussi les porter à faire des offrandes telles qu’on put fondre à neuf les trois cloches sur des dimensions et un poids doublement supérieur à ceux des vieilles cloches,

 

– que l’intérieur de l’église n’ayant jamais été restauré, notre digne desservant tourna de ce côté son zèle pour la maison de Dieu et pendant deux ans il s’y employa avec un dévouement sans pareil. Si vrai qu’aujourd’hui notre église semble transformée tant la restauration a été exécutée avec goût et intelligence et tous les emblèmes copiés sur des modèles venant de la capitale du monde chrétien,

 

– que le pavage du chœur et de l’entrée de l’église, les marchepieds du maître autel étaient dans un état pitoyable et sont aujourd’hui les plus belles parties de notre église grâce à la peine et au dévouement du dit desservant Trojani,

 

 – qu’il a orné encore cette belle église d’un beau chemin de croix sur toile avec riches cadres, de deux statues ainsi que de plusieurs meubles, ustensiles et ornements du culte et la lingerie de la sacristie,

 

– qu’enfin il a dernièrement fait preuve d’un zèle vraiment sacerdotal en reconstituant la Confrérie paroissiale dont quelques membres avaient juré la dissolution.

 

Le conseil ouï les exposés ci-dessus aussi véridiques qu’exacts, délibère :

 

le conseil à l’unanimité eût voté un encouragement de cent francs à titre d’indication reconnaissante à ce fonctionnaire communal si l’état budgétaire de la commune l’eût permis et lui vote des félicitations et des éloges qu’il a bien mérités ».

 

 

Délibération du Conseil municipal d'Asco le 25 décembre 1898
Délibération du Conseil municipal d'Asco le 25 décembre 1898

 

Une autre délibération du conseil municipal fait état des dépenses engagées pour la restauration de l'église :

 

- deux mille francs pour les trois cloches

- mille cinq cent francs pour la charpente de l'église

- mille deux cents francs pour la restauration générale de l'église

- quatre cents francs pour la Via crucis ou Calvaire

 

Soit une somme de 5100 francs correspondant aujourd'hui à quelque 20600 euros !

 

L' abbé d'Asco, Revue La pêche illustrée, 15 avril 1913

 

"L'Asco, affluent du Golo, nous a paru encore plus poissonneux, surtout vers le village qui porte ce nom [où] ... on pourrait recevoir l'hospitalité de M. l'abbé Trojani, curé de la localité, ancien conseiller général, homme érudit et très au courant de toutes les questions d'alpinisme de l'île".

 

 

Portrait du curé d’Asco par Albert Surier, Revue L’Auto 1914

 

« C’est dans cette Thébaïde [Asco], enclos au creux des monts, que vit l’abbé Trojani, curé d’Asco.

 

Après avoir fait de solides études classiques et théologiques à l’Université catholique de Lyon, Trojani pouvait, comme tant d’autres, rêver des hautes dignités de l’Eglise, escompter la mitre et le chapeau rouge ; il préféra aller s’enfouir dans les granits d’Asco, paître ses ouailles de bergers transhumants, leur réserver la consolation de sa fonction et les secours matériels de sa science. Ce fut un sage …

 

Pour les touristes, l’abbé Trojani est une providence. Si quelques-uns d’entre eux, infiniment trop rares, commencent  à connaître Asco, c’est à lui  que nous le devons. C’est lui qui dans une langue ardente, émue, enthousiaste, insensiblement vibrante d’affection lui révéla la conque incomparable …

 

Quelques fervents s'aventurent maintenant chaque année dans les gorges infernales et c'est l'abbé Trojani qui se fait pour eux guide et initiateur. Il n'en est pas de meilleur, de plus sûr et de plus affable.

 

Il faut le voir, la soutane relevée, pied de chèvre et jambe de cerf, sauter de rocher en rocher, franchir les précipices ; il faut l'entendre énumérer et décrire les merveilles de la conque enchantée, l'horreur des logoniello (les lieux noirs) et soutenir d'une inépuisable bonne humeur les marches et les ascensions les plus pénibles ...

 

La chambre de l’hôte, elle est à Asco, au presbytère de l’abbé Trojani, et elle n’a jamais coûté cher à aucun touriste »…

 

R. De Litardière, Docteur ès-Sciences, Contributions à l'étude de la flore de Corse, 1923

 

"Il m'est très agréable d'exprimer ici mes biens sincères et respectueux sentiments de reconnaissance à M. l'abbé Trojani, le distingué curé d'Asco, pour l'hospitalité si affable qu'il m'a offerte durant mon séjour à Asco et pour tous les renseignements topographiques qu'il a bien voulu me donner".

 

 

Maestrali, Paese per paese 1931

 

"Mais laissez-moi m'incliner, chapeau bas, devant le prêtre Trojani, le grand savant, le patriarche renommé sur la terre entière, orateur distingué et chanteur tel un ange : il a tellement chanté Asco qu'il en a fait une perle universelle."

 

 

Mort de l'abbé Trojani.

 

Le 22 novembre 1934 est mort à Asco l'abbé Trojani, ancien conseiller général, chevalier de la Légion d'Honneur.

 

Journaliste de talent, il avait collaboré au Sillon, à La Croix, à l'Observateur, à La Tramuntana et autres revues, et publié diverses monographies. 

 

Il s'était attaché avec succès à faire connaître la pittoresque région où il vivait en apôtre et qui jusqu'à ces temps derniers était isolée dans sa montagne, et encore hantée par les derniers mouflons de Corse.  (L'Annu corsu 1935)

 

 

Cimetière d'Asco - Tombeau de l'abbé F. Trojani
Cimetière d'Asco - Tombeau de l'abbé F. Trojani

 

 

 

DOMINIQUE-MARIE GUERRINI

 

 

 "MINNELLU D'ASCU" (1884-1965)

 

 

RICORDU

 

« Si u cantu s’è zittatu                   Si le chant s'est tu

    A l’ombra di tanta luce                   A l'ombre de tant de lumière

Ci ferma l’ecu sacratu                    Il nous reste l'écho sacré

Chi u tempu non distrugge ;          Que le temps ne détruit pas ;

Chiare cum’ e u guadellu               Claires comme le ruisseau

E rime di Ziu Minnellu »                 Les rimes de Ziu Minnellu

 

Roi du Chiam' è rispondi, il a participé à toutes les fêtes et toutes les foires qui avaient lieu à son époque, lors desquelles il « affrontait » en poésie spontanée d’autres improvisateurs corses également célèbres.

 

Le texte ci-dessous, en langue corse, paru dans la revue U Muntese n° 136 de mai-juin 1971, résume parfaitement la personnalité de Minnellu.

 

"U 18 agostu 1965, si spenghjia in Corti, duv’ell’era in cura, u celebre pueta impruvisatore Dumenicu GUERRINI dettu « Minnellu d’Ascu », à l’età d’ottanta cinqu’anni.

 

Sei anni ? E digià u velu di a scurdanza si stende nant’a quellu chi no puiamu cunsiderà cum’e u re di u « Chiama e rispondi » di u nostru seculu, senza cuntà l’armunia e a putenza di quella voce incumparabile.

 

Ma, a so voce spenta, fermanu in noi l’ecchi luntani di u ramentu …

 

U pueta unn ha lasciatu nisun scrittu. Solu, pare chi a so voce sia stata registrata qualch’anni , ma nimu, ind’a famiglia, pussede stu registramentu.

 

Ziu Minnellu un sapià ne leghje nè scrive.

 

Eppuru, quellu chi più di settant’anni canto’, in la nostra favella, a nascita, l’amore, a vita e a morte, quellu chi fu l’ornamentu dialettale di tante fiere e di tante feste – si po’ di’ ch’ell’un ci n’è stata una sola, senza ch’ellu ci fussi invitatu – si deve di fermà presente in i nostri cori, pe’ u presente e pe’ l’avvene. U nome di Minnellu è degnu d’esse perpetuatu in lu marmeru.

 

In tantu dumandemu a tutt’i pueti ed a tutt’i scrittori  isulani, chi funu i so amici, d’un scurdassi di « Minnellu » mortu

 

Quante volte m’ha dettu u so ramaricu d’unn esse andatu à a scola e, quellu ancu più forte, d’un lascià nisun tracce di i soi numerosi canti !   Quante volte, vidi una lacrima core e perdersi in i so mustacci ! Quante volte m’averà dettu :

 

« Tu poi scrive cio’ che tu pensi e canti per i pusteri. Eiu un lasciu nulla, nulla per a memoria  Tuttu què, lasciava passà ind’u so sguardu chiaru cum’e un’ombra di tristezza e di malinconia ...

 

Traduction

 

Le 18 juin s’éteignait à Corté, où il était en soins, le célèbre poète improvisateur Dominique Guerrini appelé « Minnellu d’Asco », à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

 

6 ans ? et déjà  le voile de l’oubli s’étend au-dessus de celui que nous pouvions considérer comme le roi du « Chiam’è rispondi » de notre siècle, sans compter l’harmonie et la puissance de cette voix incomparable.

 

Mais, sa voix éteinte, demeurent en nous les échos lointains du souvenir …

 

Le poète n’a laissé aucun écrit. Il semble seulement que sa voix ait été enregistrée il y a quelques années. Mais personne dans la famille ne possède cet enregistrement.

 

L’oncle Minnellu ne savait ni lire ni écrire.

 

Et pourtant, celui qui pendant plus de soixante-dix ans chanta dans nos foyers, la naissance, l’amour, la vie et la mort, celui qui fut l’ornement dialectal de tant de foires et de tant de fêtes – on peut dire qu’il n’y en a pas une seule à laquelle il ne fût invité – se doit d’être toujours présent dans nos cœurs, pour le présent et pour l’avenir. Le nom de Minnellu est digne d’être perpétué dans le marbre.

 

En attendant nous demandons à tous les poètes et écrivains insulaires, qui furent ses amis, de ne pas oublier, Minnellu mort.

 

Combien de fois m’a t’il fait part de son regret de ne pas être allé à l’école, et celui plus intense encore de n’avoir laissé aucune trace de ses nombreux chants ! Combien de fois ai-je vu une larme sourdre et se perdre dans ses moustaches ! Combien de fois m’aura t’il dit :

 

" Toi tu peux écrire ce que tu penses et tu chantes pour les futures générations. Moi, je ne laisse rien, rien pour la mémoire." Disant cela, il laissait passer dans son regard clair comme une ombre de tristesse et de mélancolie ..."

 

La revue "A Muvra" de 1927 évoque le concours de poésie qui a eu lieu lors de la fête de la Santa du Niolu le 8 septembre 1927.

 

Parmi les nombreux participants sont cités :

 

Duminichellu Guerrini (qui n'était pas encore appelé Minnellu) d'Ascu "cu a più bella voce e u più bellu versu di a paghjella ... e Maestrali d'Ascu".

 

Le futur Minnellu d'Ascu obtiendra le 5è prix.

 

 

La revue L'ANNU CORSU  de 1928 fait également mention de ce concours d'improvisateurs corses (p.183) :

 

Le poète Maistrale  a organisé à Casamaccioli, à l'occasion de la foire annuelle du 8 septembre, un concours de poésie corse improvisée, qui a obtenu le plus vif succès.

 

Dix-huit improvisateurs se sont affrontés, dans ces joutes traditionalistes destinées à conserver et glorifier ce genre littéraire rendu universellement célèbre par nos vocératrices.

 

Sur des sujets tirés au sort - (la foire du Niolo, les incendies de forêt, la politique, notre langue ...) - les candidats ont échangé avec entrain leurs strophes amusantes ou émues.

 

Le jury présidé par Maistrale a proclamé ex-aequo les trois meilleurs improvisateurs :

- Minicale d'Evisa, Pampasgiolo de l'Aquale, Leoni d'Occhiatana ;

- le 4è prix au Cacciadore di Niolo ;

- le 5è à Dominique Guerrini d'Asco ;

- le 6è à A. Acquaviva ...

 

Les assistants, très nombreux, ont chaleureusement applaudi les poètes ...

 

A la foire de 1928, Minichellu d'Ascu, à qui l'on reconnait "fougue, facilité et originalité",  obtiendra le 3è prix.

 

 

 

 

A l'occasion de la fête de la Saint Michel à Asco le 29 septembre 1927, le poète "l'Orsu d'Orezza" rend hommage à Minighè (Minnellu) dans une longue chanson.

 

Sont vantées les qualités d'Asco, village fier, résistant à l'envahisseur, sachant préserver ses us et coutumes, mais loin de tout, hélas, car aucune route carrossable n'y conduit encore ...

 

Dans un article paru en juillet 1931 dans le quotidien Bastia-Journal, Antoine Trojani évoque le poète qui est venu participer à la fête donnée en l'honneur des noces d'or sacerdotales de l'abbé Trojani :

 

"... deux poètes improvisateurs, lauréats de toutes les mérendelle de Niolo et d'ailleurs, Petrinu Maestrali et Minnellu Guerrini, puri aschesi, se donnent la réplique en dialecte local, par chiama e rispondi, en une improvisation chantée de couplets rythmés et rimés, pleins de poésie agreste et de fine malice"

 

En novembre 1936, à l’occasion de la foire de Francardo, le comité d’organisation lance un appel aux bardes corses pour une participation à un concours de chant de poésies données au moment du concours par le jury, avec un temps limité laissé aux poètes. 

 

Leoni d’Occhiatana, Pampagsiolu, Minicale d’Evisa, Minnellu d’Ascu …

 

Bastia-Journal 1936

Minnellu improvisant pour le mariage de Marie-Thérèse Guerrini avec Jean-Raoul Luciani - Hôtel du Cinto - Asco 1961
Minnellu improvisant pour le mariage de Marie-Thérèse Guerrini avec Jean-Raoul Luciani - Hôtel du Cinto - Asco 1961

 

Des enregistrements de Minnellu d’Ascu et d'autres chantres ascolais sont conservés à la phonothèque du musée de la Corse à Corté.

 

Ils ont été réalisés lors d’une mission d’ethnographie corse entre le  24 août et le 11 septembre 1948 à Asco.

 

Chef de mission ;

Paul Arrighi, Professeur à la Faculté des Lettres d’Aix-Marseille

Enquêteurs :

Mme J. Leblanc, chargée de mission pour l’archéologie

M. R. Borrelly, Elève de l’école nationale des beaux-Arts (architecture)

M. J. Leblanc, Conservateur des Musées d’Ajaccio

M. Félix Quilici, Premier de Conservatoire soliste de la Radiodiffusion nationale   

 

Enregistrements  de Dominique Guerrini dit « Minnellu »

 

ASCU le 29.08.1948

 

Lu 2 Agostu

 

ASCU le 30.08.1948.

 

Dunde, dunde o ghjuvinettu (cuntrastu)

Bona sera (sirinatu)

 

ASCU le 31.08.1948

 

Pienghji, pienghji (vocero sur l’assassinat du Padre d’Ascu).**

Chanson électorale.

 

** Voici ce que nous avons compris en écoutant (plusieurs fois) ce voceru :

 

Pienghji pienghji o Ignisare'

persu n’ai l'appannagiu

Sottu ci ai la cantina

Sopra ci ai lu granaghiu

Cu' a stanzia di mezu

Ci era l'oliu e u culatu

 

Induve so' le votre strapunte

Induve so' i vostri piumacci

Oghje li vostri parenti

V'anu chercatu di stracci

In capu una barrittaccia

A i pedi un paghju di scarpacci

 

La première strophe  fait allusion à la servante du curé qui se retrouve privée de ressources ; on lui rappelle comment était la maison et les richesses qu’elle contenait,  huile et le miel.

Le deuxième envoi s’adresse au prêtre ; on reproche à ses parents de l’avoir habillé tel un clochard

(sur la tête un méchant béret et aux pieds de vieilles chaussures usées !)

 

 

 

ASCU le 2.09.1948.

 

Lu dui aostu da mane (Di a prima guerra mundiale).

Induve so’ le vostre strapunte (Vuceratu di u Padre d’Ascu).

 

Plaque commémorative signée Jean Maistrale
Plaque commémorative signée Jean Maistrale

 

 

 

ANTOINE TROJANI 1901-1991

 

Antoine Trojani est né à Asco en 1901.

Il est le fils de Luc Trojani et le neveu de François Trojani, curé d’Asco de 1885 à 1934.

 

Instituteur, puis Inspecteur de l’Education nationale, il est l’auteur de nombreux livres écrits pour la plupart en langue corse, dans lesquels l’auteur rappelle avec une certaine nostalgie les us et traditions en vigueur au village d’Asco, du temps de sa jeunesse.

 

« Tuttu ciò ch'ellu conta, TROJANI, o l’hà vissutu, o n’hà intesu parlà à modu seriu. Forse ùn eranu ancu spinti i 50 furnelli aschesi quand ellu nascì indu 1901. E per u più ellu hà campatu in paese. »

 

Traduction :

 

"Tout ce que raconte Trojani  ou bien il l'a vécu, ou il en a entendu parler avec sérieux. Peut-être les 50 feux ascolais n'étaient-ils pas encore éteints, quand il naquit en 1901. Et la plupart du temps il a vécu au village."

 

U rumanzu corsu

Letture è parè critichi

A. Carbuccia

ADECEC 1994

 

Sott’a l’olmo, usi e stalbatoghji corsi, 1977.

 

Une évocation intéressante des traditions lors de la Semaine sainte.

 

A signaler dans la préface un manifeste, pressant, écrit en langue corse, pour l'unification de la langue corse, dont nous donnons un extrait :

 

« Ognunu scrive à u so sensu. Hanu pruvatu certi vechji scrittori à chjamà per una cunsolta tutti quelli ch’impennanu in corsu o ch’insegnanu a nostra lingua. Ci ne è andatu parechji, e ci si è parlatu … più d’altre cose che d’unificazione di a nostra lingua. Eppo assai cunvinti d’esse soli pussesori di a verità, si so fermati luntanu. « Fora di a mo cappella un c’è salvamentu ! » E cusi, à chi tira a manca, à chi tira a dritta e a nostra povera lingua fermarà strangulata.

 

Un occore di parlà di lessicu unicu ne mancu tantu di a grammatica … Aio’ che ora ! Chi quelli chi volenu che a lingua corsa campi e che la sia probiu una lingua fianu l’unione e si sentinu, chiamendu cunsulte quant’ellu ci ne vole, perchi a lingua sia una ciccona d’armunia, sunata da tutti e mica un bachigliacciu di tentennule scatarate.

 

Per mo contu, aghju scrittu, scrivu e scrivaraghju cum’o scrivia quarant’anni fà, intantu … intantu ch’ellu ci si una grafia, eppo’ una grammatica, una manera di scrive uniche e chi possanu ghjuvà da Macinaghju à Figari, da Piana à Ghisunaccia. Tandu viaghjaraghju anch’eiu nant’a strada di tutt’inseme, perchè ch’avà un c’è che viaratulli capruni, ognuno sperviendusi à so modu.

 

Ci vole che a nostra cara lingua sia quella di tutti i Corsi, e micca solu quella d’uni pochi ; ch’ell’un ci ne sia che una, e micca quant’ellu c’è scole, segretarii, presidenti e pertiti pulitichi.

 

Ma un vulerebbe micca esse cum’e San Ghjuvanni : « una voce chi chjama indù u  desertu » !

 

Ascu, 13 aprile 1977, A. Trojani

 

TRADUCTION

 

Chacun écrit à sa façon. Certains écrivains confirmés ont essayé de faire se réunir tous ceux qui s'engagent pour la langue corse ou ceux qui enseignent notre langue. Beaucoup y ont participé et on y a parlé ... de tas d'autres choses que de l'unification de notre langue. Et un certain nombre, convaincus d'être les seuls à détenir la vérité, en sont restés éloignés. "Hors de ma chapelle, point de salut !" Et ainsi entre celui qui penche d'un côté et celui qui penche de l'autre, notre langue en restera étranglée.

 

Il n'est besoin de parler de lexique unique ni de grammaire. "Allez, il est temps !"Que ceux qui désirent que notre langue vive et qu'elle soit vraiment une langue, fassent l'union et se mettent d'accord, faisant autant de réunions qu'ils veulent, afin que la langue émette un son harmonieux, chanté par tous, et non pas un tintamarre de clochettes dépareillées.

 

Pour ma part, j'ai écrit, j'écris et j'écrirai comme j'écrivais il y a quarante ans, en attendant ... en attendant qu'il y ait une graphie, et une grammaire, et une façon d'écrire uniques que l'on puisse utiliser de Macinaghju à Figari, de Piana à Ghisonaccia. Alors j'emprunterai moi aussi le chemin de tous, car à présent ce ne sont que petits sentiers pour chèvres, tout un chacun s'éparpillant à sa façon.

 

Il faut que notre langue soit celle de tous les Corses et pas seulement celle d'une poignée, qu'il n'y en ait qu'une seule et non pas autant qu'il y a d'écoles, secrétaires, présidents et partis politiques.

 

Mais je ne voudrais pas être comme Saint Jean : "Une voix qui clame dans le désert".

 

 

Antoine Trojani a écrit de nombreux romans parmi lesquels :

 

Dopu cena,  In memoria di babbu e di ziu prete, édité par Antoine Rico, Manosque, 1973

 

Pour une vallée sereine, éditions La Marge, 1986 , écrit en français.

 


 

Dans ces deux romans, l'auteur évoque le sage d'Asco, diverses traditions comme le mariage, et nous livre une description minutieuse en corse et en français du fonctionnement d'un four à poix.

 

Allusions et extraits de ces livres dans notre site :

 

eglisesetchapellesdecorse.jimdo.com (asco le village 1ère partie)

 

  

 

 

JEAN-VITUS GUERRINI (1901-1983)

 

MAIRE D'ASCO de 1929 à 1977

 

 


 

Jean-Vitus Guerrini, né à Asco en 1901, a consacré une grande partie de sa vie au service de la chose publique. Après des études à l'école normale d’Ajaccio, il fut instituteur à Lama durant quatre ans puis devint entrepreneur de travaux publics.

 

Ecole Normale d'Ajaccio années 1919/20
Ecole Normale d'Ajaccio années 1919/20
Jean-Vitus Guerrini et ses élèves - Lama années 1925/1928
Jean-Vitus Guerrini et ses élèves - Lama années 1925/1928

 

C’est en 1929 qu’il se vit confier son premier mandat de maire d'Asco, renouvelé sans interruption jusqu’en 1977. Il fut aussi conseiller d’Arrondissement du canton de Castifao.

 

Grâce à son action, dès 1935 le village se modernisa : électrification, adduction d'eau, agence postale.

 

 

En 1937 Asco fut l'un des premiers villages de l’île à être doté d’un réseau d’assainissement. Cette même année fut construit un imposant groupe scolaire avec quatre salles de classe, logements, salle de réception, douches. Et l'achèvement de la route qui, enfin, désenclavait le village.

 

Groupe scolaire d'Asco édifié en 1937
Groupe scolaire d'Asco édifié en 1937

 

De 1943 à 1946, Jean- Vitus Guerrini, capitaine de réserve, fut lieutenant-gestionnaire de l’hôpital militaire d’Ajaccio.

 

En 1943, avec la population d'Asco, il contribua au bien-être des 86 juifs qui avaient été arrêtés et transférés à Asco, devenu camp d'internement.

 

(voir notre page sur "Un camp d'internement à Asco")

 

 

En 1954, désireux d'accueillir les touristes qui nombreux commençaient à venir à Asco, il construisit l'Hôtel du Cinto, doté de 20 chambres avec tout le confort.

 

Hôtel du Cinto - Années 1960
Hôtel du Cinto - Années 1960

 

Chevalier de la Légion d’honneur en 1962, il était également chevalier des Palmes académiques, médaillé d'honneur de l'administration communale et départementale.

 

Il travailla au sein de nombreux organismes comme le syndicat d'électrification dont il fut le secrétaire général.

 

Il était aussi membre actif du Touring club de France

 

 

Attiré par la modernité, il est en 1964 à l’initiative de la création de la station de ski d’Asco, apportant ainsi à l’économie de l’intérieur une alternative indispensable pour éviter le dépeuplement.

 

A ce titre, il se voyait décerner la médaille d'honneur de la Jeunesse et des Sports.

 

L'idée de créer une station de ski au Haut-Asco le maire l'avait eue dès 1934 ! Cette année-là, Asco, comme d'autres villages, avait quasiment disparu sous une épaisse couche de neige.

 

Des sauveteurs étaient venus du continent. Parachutés au-dessus du Monte Padro qui domine le village, ils avaient rejoints Asco à skis au grand étonnement des villageois qui virent arriver "ces drôles d'oiseaux" !

 

 

Au centre, le maire Jean-Vitus Guerrini avec M. Balp, architecte de la station et son collaborateur, M. Samson, skis aux pieds (collection personnelle)
Au centre, le maire Jean-Vitus Guerrini avec M. Balp, architecte de la station et son collaborateur, M. Samson, skis aux pieds (collection personnelle)
Inauguration par le maire Jean-Vitus Guerrini du dameur de pistes "Ratrack" Collection personnelle
Inauguration par le maire Jean-Vitus Guerrini du dameur de pistes "Ratrack" Collection personnelle
Les chalets sur pilotis
Les chalets sur pilotis

 

Il avait aussi des talents de conteur maintenant ainsi vivantes les plus belles traditions du village.

 

La phonothèque de Corté possède des enregistrements de Jean-Vitus Guerrini réalisés en 1948 par la mission Arrighi.

 

 

Il assura avec conscience, durant de nombreuses années, la correspondance du journal « Corse-matin »

 

Parmi ses autres projets : ouvrir une route à travers le col de Stranciacone reliant ainsi le village d'Asco et sa station de ski à la vallée du Fango, à quelques kilomètres de Calvi. Ce qui aurait fait d'Asco un site  remarquable. 

 

Le site du Haut-Asco aurait ainsi justifié le titre de "Zermatt de la Corse" dont certains touristes l'avaient déjà gratifié dans les années 1950/60.

 

Le Maire Jean-Vitus Guerrini vu par des auteurs de livres ou d'articles :

 

Maestrale, paese per paese, 1931

 

"Mais il faut voir le maire : Jean (Vitus) Guerrini, lieutenant de réserve, instruit et hardi ; il protège tellement sa commune que le canton de Castifao en a fait son conseiller d'arrondissement ; et journaliste de talent."

 

Jean Noaro, Le voyageur de Corse, Hachette 1967

 

« On pouvait craindre que le village ne se dépeuplât. L’un de ses enfants décida de se consacrer à lui. Il avait été formé dans une de ces écoles normales d’instituteurs où l’on apprenait à avoir un idéal, et où l’on enseignait que la vie de tous devrait être si possible améliorée.

 

Ce Jean-Vitus Guerrini dont je parle donna à Asco son école, la plus belle peut-être de toute la Corse, de l’eau sans compteur, le tout-à-l’égout avec une station d’épuration, une agence postale, une route, oui une route, et ce depuis 1937.

 

La route a été prolongée de 10 kilomètres vers la vallée de Stranciacone, la forêt de Carozzica, vers le Cinto, jusqu'au plateau de Stagno où a été inaugurée en décembre 1965 la première station de ski de la Corse. Tout est là, un téleski, un snack-restaurant, dix chalets " ...

 

 

 Jean Hureau, La Corse aujourd'hui, Arthaud 1971

 

Le "Zermatt de la Corse". L'exagération même de cette appellation montre à quel point ce site peut captiver et enthousiasmer le visiteur.

 

"Asco" désigne tout à la fois une gorge, un torrent, une vallée, un village, une route, une forêt d'altitude, un cirque de montagnes et une jeune station de sports d'hiver.

 

Autrement dit, Asco est est un domaine indépendant et fermé, une sorte de parc naturel long de vingt-cinq kilomètres, isolé du reste de l'île par une couronne de pics et d'aiguilles que ne franchit aucune route (un projet de désenclavement en direction de Calenzana n'existe qu'à l'état d'ébauche).

 

Sans forcer la vérité, on peut aussi dire que parler d'Asco, c'est évoquer un homme : Jean-Vitus Guerrini, maire depuis tantôt quarante ans.

 

Avant beaucoup d'autres, il a compris ce que le tourisme pouvait apporter à la Corse, mais aussi la somme d'imagination, de volonté, de travail que requièrent un équipement traditionnel, une propagande intelligente et un accueil de qualité.

 

On commença par construire un groupe scolaire, vaste bâtiment dominant de 150 mètres le torrent dont l'aspect inattendu surprend le visiteur qui arrive face au village, au débouché de dix kilomètres de gorges sauvages.

 

Puis vint l'hôtel, un "Logis de France", le premier établi en Corse. La route des gorges, raidillon défoncé par les troupeaux et le gel, vertigineux à souhait, fut aménagée, équipée, goudronnée ; elle reste évidemment sinueuse et délicate mais accessible à tout véhicule et ... à tout conducteur.

 

Enfin les années 1967/1968 virent le début du grand oeuvre : l'équipement de la haute vallée en station climatique d'été et de sports d'hiver. Des bungalows suspendus de forme originale, à l'aménagement confortable d'un refuge-hôtel de dix chambres et de deux dortoirs, un comptoir louant du matériel de ski, une plate-forme pour caravanes forment un embryon de station bien assise à 1450 mètres d'altitude. Un premier téléski conduit à un col voisin d'où partent plusieurs pistes. Le site s'appelle Stagno ...

 

On y accède par une très belle route goudronnée de 7 à 9 mètres de chaussée, montant en pente régulière depuis le village qui se trouve 12 kilomètres en aval, à 640 mères d'altitude ...

 

Ce que ne laissent pas apparaître ces renseignements techniques et ce que la photo elle-même est incapable de rendre, c'est la beauté grandiose de cette vallée de l'Asco ...

 

 

Article de P.A. Carlotti 1976 "Une république haut perchée"

 

" ... Pourquoi, d'ailleurs, chercher si loin la preuve qu'Asco est une commune à part, qui sait garder longtemps ses légendes, ses coutumes et même ses hommes ? Ne suffit-il pas de rappeler que le maire actuel, Jean-Vitus Guerrini, a été élu voilà quarante-sept ans pour la première fois et n'a jamais cédé son écharpe depuis ? C'est lui, en somme, le "Sage d'Asco" des temps modernes.

 

Un sage qui gère à la fois une économie de tradition et un effort d'insertion dans son temps. La tradition, c'est le miel réputé comme le meilleur de Corse et qui doit l'être si l'altitude joue dans la qualité. C'est l'élevage des ovins et des bovins. L'effort pour adapter, aux possibilités d'aujourd'hui, ... c'est évidemment le ski.

 

Tous les spécialistes sont d'accord. Le Stagnu, qu'on appelle aussi Asco-la-Neige, est un des sites corses dont les caractéristiques soient propres  à la création d'une grande station de ski. L'altitude (1 400 mètres), l'angle et la diversité des pentes l'enneigement rien ne manque. Asco est d'ailleurs actuellement la station corse la plus fréquentée par les skieurs chevronnés ..." 

 

 

C'est avec une profonde émotion que l'on aura appris le décès survenu à Marseille de M Jean-Vitus Guerrini, ancien maire d'Asco, chevalier de la Légion d'honneur, instituteur honoraire ...  

 

En l'église du village, c'est M Paoletti curé de la paroisse, assisté de MM. les abbés Alex Stra et Denis de Saint-Gervais, amis personnels du défunt, qui célébra la messe suivie de l'absoute.

 

L'inhumation eut lieu peu après dans le caveau familial ...

 

I.B. La Corse 1983

Tombe Famille Jean-Vitus Guerrini, cimetière d'Asco
Tombe Famille Jean-Vitus Guerrini, cimetière d'Asco