V. ASCO : L’EGLISE SAINT-MICHEL- ARCHANGE
:
3è partie
7) Les statues
La statue en bois de Saint-Michel mérite un peu d’ attention :
Elle est signalée avec admiration par l’abbé Trojani dans son opuscule sur l’Eglise d’Asco:
« vrai bijou de l’art chrétien » (op.cit.p.11) et par Oreste Tencajoli, Chiese di Corsica, op.cit. pp 34-35 :
« (…) quella di Michele Arcangelo ornata di un gruppo in legno scolpito, nel quale l’artista ha saputo trasfondere quella plastica, quel movimento, quel soffio di vita che fanno de la materia inanimata, una cosa viva e sensibile».
O. Tencajoli ajoute que l’artiste serait natif de Vallica mais qu’on ignore son nom.
Cependant dans la Monographie sur le Giussani 1933, Montpellier, Imprimerie du Progrès, de A. Giudicelli,
on lit :
"une mention spéciale à Luiggi Damas, de Vallica, décédé vers 1882. Après quelques études à Montecatini, il s'est établi dans
son village natal où il a sculpté sur bois les statues de Saint-Michel d'Asco et de Saint-Antoine-Abbé d'Olmi Capella ... Dans toutes ces oeuvres, il fait preuve de finesse, d'élégance et
de goût."
La statue part en procession pour la fête de la Saint-Michel le 29 septembre.
Deux illustrations : une carte postale et une photo personnelle.
Procession "La granitolo (sic) 29 septembre 1909"
Procession dans les années 1960.
A noter que jadis le droit de porter la statue était mis aux enchères.
Le plus disant remporte le droit de prendre la place devant, à droite du saint (a prima stanga) ; le deuxième moins disant prend la place devant à gauche (a seconda stanga) ; les deux autres moins disant se placent à l'arrière. (cf. Tempi fà, Les fêtes religieuses, Albiana, p. 258)
Témoignage (pour 1938/39) de François Namani dans son livre "I quattro verani, Cismonte e Pumonte, 2009" :
A prucession pertia di ghjesa versu quindici ore. E quattru stanghe eranu messe à prezzu una appressu à l'altra.
L'onore di purtà una stanga venia a quellu chi facia a più grande offerta.
U santu passava pè u carrughju suttanu è vultava pè u supranu, tutti l'assistenti in preghera accumpagnendulu in ghjesa.
La procession partait de l'église vers 15 heures. Les quatre manches étaient mis à prix l'un après l'autre.
L'honneur de tenir un manche revenait à celui qui faisait la meilleure offre.
Le saint passait à travers la ruelle du bas du village puis tournait vers la ruelle du haut, avec tous les participants en prière qui l'accompagnaient à l'église.
Cette coutume abandonnée à Asco persiste à Moltifao pour le 8 septembre, fête de la Vierge.
Voir notre page La Nativité de la Vierge
Lors de la fête patronale de la Saint-Michel (Sammiele à Asco), des marchands ambulants venaient vendre leurs produits.
Parmi eux, U pipaghju (que nous avons connu), le marchand de pipes et autres objets en buis, rencontrait un franc succès.
La production de ces objets était florissante dans la région d'Orezza.
Témoignage de Lucien Colombani, pipier dans le Valle d'Orezza :
"Mon grand-père fabriquait des pipes en buis. Quant à moi, j'utilise le plus souvent la bruyère mais aussi l'olivier pour les souvenirs, et pour les mortiers, l'olivier également, ou encore l'aulne ou le merisier. Avec une souche de vingt-cinq ans on peut sortir quatre pipes ..."
Avant la guerre il y avait vingt-cinq ou trente pipiers dans le village.
Ils fabriquaient les pipes et partaient ensuite dans les foires pour les vendre."
Un autre temps pour une tradition restée largement ancrée aux confins du présent.
Anne-C. Chabanon, Corse-Matin 13 août 1998
Autre témoignage pour la Saint-Michel à Asco :
"U ghjornu di San Migheli, u curatu attirava in paese u mondu cattolicu di e pieve di Caccia, Merusaglia, Ghjunsani, Niolu e d'altro'.
I tragulini pruffitavanu di l'accolta di tutta 'ssa ghjente pè stende e mostrà : scarpi, panni, pipe e bucchini di lussu, schille d'acciaghju d'ogni sonu.
A notte, ind'è i caffè, ghjente d'altro', i prufessiunali di u ghjocu d'azardu stallavanu e tavulu di camminu di farru, poker, rulletta è i punti di ghjocu eranu tutti occupati."
Le jour de la Saint-Michel, le curé attirait au village le monde catholique des pieve de Caccia, Morosaglia, Ghjunsani, Niolu et d'ailleurs.
Les marchands ambulants profitaient de la venue de tout ce monde pour étaler et montrer : chaussures, vêtements, pipes et fume-cigarettes de luxe, clochettes en acier aux tonalités variées.
La nuit, dans les cafés, des gens d'ailleurs, les professionnels des jeux de hasard, installaient les tables du chemin de fer, poker, roulette et tous les endroits de jeux étaient occupés." (François Namani, I quattro verani, Cismonte e Pumonte, 2009, p.215)
Voici quelques objets provenant d'une collection privée, vendus par le "pipaghju".
Les autres statues relèvent de l’art saint-sulpicien.
De manière péjorative, on appelle style saint-sulpicien l’art religieux naïf et sans génie, les « bondieuseries » (Léon Bloy ), statues, images, vitraux, qui peuplent les églises et les foyers.
Ce qualificatif vient des boutiques d’objet de piété qui entouraient (et il en reste) l’Eglise Saint-Sulpice à Paris.
Ces statues de plâtre, de carton comprimé, ou de fonte, mièvres et conventionnelles, reproduites en séries, méritent qu’on y voie aussi l’expression d’un art populaire.
Elles sont l’objet de la ferveur des paroissiens et leur présence dans l’église cache souvent une histoire particulière, souhait, vœu exaucé, repentir, remerciement… qu’il est hélas difficile de connaître. Les plaques d’ex voto qui les accompagnent parfois ne sont pas toujours explicites.
Elles apprennent aussi quels saints sont honorés dans le village.
Asco en possède beaucoup parmi les saints les plus honorés en Corse et reconnaissables à leurs attributs :
Saint Roch, son bubon de peste et son chien qui lui apporte le pain ; Sainte Lucie et ses yeux ;
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Saint Antoine de Padoue portant l’enfant Jésus ; Saint Antoine abbé, son bâton et son cochon.
Sainte Catherine d'Alexandrie et la roue de son martyr ; Saint Joseph et l'enfant Jésus.
Sainte Marguerite qui écrase le démon avec la Croix. A noter qu'à Asco elle est dénommée Sainte Marthe.
Ou encore : Jeanne d'Arc, Sainte Thérèse de Lisieux (habit de Carmélite et bouquet de roses), Notre-Dame de Lourdes (sur le modèle qu'Emilien Cabuchet -1809/1902- fit pour l'Eglise de Lourdes, le Sacré-Coeur (voir plus haut)
Les saints protecteurs d'Asco seront " exposés à la vénération des fidèles pendant la grande Guerre 1914-1918" comme en témoigne une carte postale de l'époque, du curé François Trojani.
On reconnait de gauche à droite Saint-Antoine de Padoue, Sainte-Lucie, Saint-Michel Archange, Saint-Roch.
Les crucifix
Trois crucifix en bois : un dans l’abside, un autre contre la chaire et le dernier placé au centre de l’autel majeur.
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8) Le mobilier
La chaire
Comme dans la plupart des églises, la chaire d’Asco (du latin cathedra, chaise) est placée côté évangile (à gauche en entrant), et au milieu de la
nef.
Dans les cathédrales, elle est placée à droite, côté épître.
La cuve présente 4 panneaux ornés de sculptures en stuc et se termine par un motif en cul de lampe figurant un angelot sans corps aux ailes déployées.
Des médaillons sculptés et des têtes d’angelots en bas-reliefs ornent les panneaux.
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Selon F. Trojani et O. Tencajoli, la chaire aurait été réalisée par un artiste italien en exil.
"Il pulpito in stucco, adossato ad un pilastro, venne costruito nel corso del secolo XIX da un'artista italiano emigrato nell'isola e del quale si è perduto il nome." (op. cit. p.35)
"La chaire en stuc, adossée à un pilastre, a été construite au cours du XIXè siècle par un artiste italien émigré dans l'île dont on a perdu le nom".
On y accède par un escalier de pierre peint en faux marbre et placé à droite de la cuve.
Le meuble de sacristie
Cette commode en bois à 3 tiroirs, destinée aux vêtements liturgiques, est magnifiquement sculptée de frises et de coquilles ; elle
demande à être restaurée.
On retrouve un meuble du même genre dans la chapelle du Mont Carmel à Morosaglia (Rocca suprana) vraisemblablement de la main du même menuisier.
Le banc des confrères
Placé, à l'origine, dans l’ex-casazza, ce banc à haut dossier et décorations bicolores a encore fière allure.
9) DOCUMENTS SUR L'EGLISE (clichés personnels)
a) L'inventaire établi dans l'église lors d'une visite épiscopale en l'an 1760 !
Ce sont de nombreuses pages qui décrivent l'église et en détaillent les diverses possessions répertoriées lors de cette visite. Le texte est en italien.
Nous en donnons la copie de la première page.
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Questo è l'inventario di tutti i beni, stabili, semoventi, frutti, rendite, raggioni e pesi di qualsivoglia sorte della chiesa parocchiale di San Michele Arcangelo nella terra e paese di Asco pievania di Caccia Diocesi di Marianna ed Accia fatto sotto il di de 26 del mese di 9bre dell'anno 1760 per me Gio Matteo Santini della Porta d'Ampugnani moderno rettore di detta chiesa con la presenza ed assistenza del reverendo Don Romano Grimaldi ed Armonio Procuratori di detta chiesa e di Pasquale Grimaldi e di Grazio Cesarii tutti del medesimo luogo, uomini vecchii pienamente informati de beni frutti, primizie, cresime, rendite, raggioni e attioni e sono infrascritte qui in appresso.
Primeramente detta Chiesa di S Michele Arcangelo di detto luogo è posta e situata in mezzo di detto popolo, confinante con strada publica da tutti i lati, vicino verso mezzo giorno con stabile di Gio Silio e verso l'occidente con terra di Nicolao tutti di detto luogo.
Detta chiesa è di lunghezza palmi 80, e di larghezza palmi 35 circa. In detta chiesa vi è il coro con scrigno e banco per conserva delli suppellettoli di detta chiesa con una credenza per conserva de fiorami e candilieri e altri ; è l'altare fatto di matteria lustrato à marmo, con un ceporio e tabernacolo di legno decentemente ornato ove si conserva una ...side con coppa d'argento con piede d'ottone in dorato ; avanti d'esso una lampada d'ottone sempre accesa di rippetto al Venerabile, a destra uno altare detto di S. Antonio Abbate con navata che serve per confraternità o casazza con il Priorato o ... di legno ...
b) "LE CAHIER DE CHAISES"
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Ce cahier de chaises a été mis en place par le curé Gérard De Champlain comme en témoigne sa signature du 1er juillet 1940.
La gestion de ces chaises, numérotation, emplacement, cotisations, était précisée dans un règlement.
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Suivent des pages où sont notées les bénéficiaires des chaises, avec le numéro qui leur est attribué. En bas de page la mention : payé, retiré, sans titulaire, non payé.
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Prie-Dieu n°44 appartenant à Joséphine-Marie Guerrini
c) La souscription pour l'église en 1951
La liste d'une souscription pour l'église datée du 26 septembre 1951 est signée par le trésorier Doncarli. La somme arrêtée à cette date s'élève à 177270 francs (soit environ 5000 euros).
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Peut-être est-ce à cette époque que des travaux de restauration ont été conduits dans l'église : rafraichissement des peintures murales, restauration de quelques toiles ...
d) MISSELS
10) AUTRES ELEMENTS :
Le document qui suit ne concerne pas directement l'église Saint-Michel d'Asco mais l'un de ses paroissiens, Paolo Parsi né à Asco vers 1710, qui a fait établir en 1741 son testament en l'étude de Maître Nicolo Bonavita, notaire à Urtaca.
Ayant décidé d'aller visiter les lieux saints de Jérusalem et redoutant de mourir lors de ce long voyage, il rédigea son testament en faveur de ses trois fils Martino, Paolo Francesco, et Paolo Milio Parsi.
... accio che fra figli e posteri suoi non abiano ad insorgere liti e dissensioni percio ha egli disposto di fare il suo ultimo testamento ed a tall'effetto essendo egli sano della mente e del corpo di sua spontanea volontà ha disposto ed ordinato tutto ...
" afin que parmi ses fils et leurs descendants il ne surgisse ni querelles ni mésententes, il a décidé de faire son ultime testament ; étant sain de corps et d'esprit il a tout organisé de sa propre volonté ...
Suit une série de directives à observer très précisément afin que nul ne soit lésé.
Testament rédigé en présence de Giovanni Lévy, français, maçon, Pietro Marinetti de Luri du Cap corse, tous deux habitant Urtaca, et de Nicolo Bonavita, Battista Cesari et Pasquino Bonavita, tous les trois d'Urtaca.
Merci à Anne-Marie Orabona d'avoir "exhumé" ce "ceppu".
En conclusion pour un si petit village, Asco possède une très belle église avec des éléments remarquables.
Des tableaux peints par des artistes de l'époque renommés.
La donation du Rosaire de Francesco Carli dont on connait la date 1785 et le nom du donateur.
La Crucifixion de Marc'Antonio De Santis tableau récemment restauré
Le chemin de croix de Antonio Francesco Morazzani daté de 1896.
Les peintures monumentales du même auteur qui ornent la voûte.
La statue du Sacré-Coeur, offerte en 1936 par un couple d'Ascolais et dont on a signalé l'originalité : le saint est représenté assis alors que dans toutes les églises que nous avons visitées il se présente debout.
La statue en bois de l'Archange Saint Michel sculptée par Luiggi Damas de Vallica.
Hélas le temps passe et une importante restauration, notamment des décors peints, s'impose avant que les dégâts ne deviennent irréparables !