Les anges au miroir et l’Immaculée Conception
Le miroir figure dans l’iconographie de l’Immaculée Conception : la Vierge est le speculum justitiae (miroir de la justice) dans les Litanies de la Vierge - les Arma Virginis (XVIe s.).
Bien avant, dans le Livre de la Sagesse (VII, 26-1er s. av. J.C.), on lit à propos de Marie qu’elle est un « speculum sine macula », un miroir sans tache comme l'a été la conception.
Ce motif du miroir se développe à partir du XVIè s. et se rattache à la théorie immaculiste :
Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te (Cantique des Cantiques, 4,7).
C'est cette devise qui apparaît en haut de la Vierge Immaculée du Bréviaire Grimani.
Nous avons rencontré l’ange au miroir dans plusieurs églises corses.
L'ange au miroir de l'église Sainte-Marguerite de Carcheto qui
figure en bas à droite du tableau de l'Immaculée Conception est dû à Giacomo Grandi peintre italien actif en Corse au XVIIIè s.
M.E. Nigaglioni qui lui consacre plusieurs pages de son Encyclopédie des peintres (op.cit.) a répertorié pour l'heure plus de soixante oeuvres de ce peintre, milanais d'origine.
Dans cette oeuvre qui ne compte pas moins de 14 anges ! l'angelot potelé qui porte le miroir, en bas à gauche, arbore de belles ailes rouge laque (est-ce un avatar de l'image conventionnelle du séraphin dont la couleur rouge évoque l'amour ardent ?).
Revêtu du voile de pudeur, l'ange porte un regard adorateur vers la Vierge, tout en présentant à bout de bras le miroir symbolique.
A San-Lorenzo, le tableau (daté 1769) qui représente Stanislas Kotska et Saint Philippe Neri aux pieds de l'Immaculée Conception est de la main de Francesco Carli peintre très actif en Corse au XVIIIè s. et que nous avons déjà rencontré.
L'ange au miroir, bel enfant blond aux boucles serrées, dénué de tout vêtement (on ne s'interrogera donc pas sur son sexe) est installé sur une nuée.
Il s'appuie de la main gauche sur le miroir et tient au bout de son bras droit levé une couronne, en direction de la Vierge.
Dans l'église Sainte-Marie de Calvi, on peut voir un beau tableau de l'Immaculée Conception (1600) où deux donateurs vêtus à la mode du XVIIè s. - l'homme porte une fraise - sont représentés en prière dans le registre inférieur.
La Vierge en gloire, élégamment drapée dans son manteau, est debout sur le croissant de Lune ; on la dirait enceinte comme il est dit dans l'Apocalypse.
Des angelots occupent les côtés de la toile de haut en bas : des angelots sans corps, deux autres présentés à mi-corps et quatre chérubins aux ailes colorées.
A gauche, l'un d'eux brandit la fleur de lis symbole de la pureté de Marie, tandis que le second du duo tient une rose à la main ; à droite, une scène charmante montre deux anges qui jouent à se regarder dans le miroir "sine macula".
La belle église du couvent de Marcasso de Cateri en Balagne présente une riche toile réalisée en 1712 par le peintre Pietro-Antonio Rossi (actif en Corse dès 1692 - (M.E. Nigaglioni).
On y voit aux pieds de la Vierge le petit Saint Cyr, sa mère Sainte Julitte, Sainte Apolline qui tient la tenaille et la dent de son martyre, Sainte Catherine d'Alexandrie et sa roue brisée, un évêque (Saint Servant ?) et un donateur dont le portrait apparaît dans une mandorle. (1)
(1) " il s'agit du Chanoine Allegrini de Cateri. Son nom marqué dans le cartouche doit être lu ainsi : Canonico de Allegrinis de Cattari.
Les Allegrini sont une ancienne famille de la localité dont le patronyme est fixé dès le tout début des années 1600 d'après le nom d'un bien héréditaire "Allegrino", sur le territoire de Lavatoggio"
Un grand merci à M. Jean-Christophe Orticoni de Massa pour ces précisions.
Le tableau de l'église de l'Annonciation de Cassano (Balagne) montre l'Immaculée Conception portant l'Enfant Jésus qui pourfend le serpent démoniaque avec la croix.
A leurs pieds, six angelots blonds et bruns, pudiquement voilés cette fois, sont disposés gracieusement dans des postures variées.
L’un d’eux à gauche présente aux fidèles le miroir sans tache tandis qu’à droite un autre montre la Vierge de son doigt tendu.
On aperçoit à peine, caché par cette théorie d’anges, le serpent, reconnaissable à l’anneau de sa queue à droite et à sa tête qui tient le fruit défendu.
La toile de Ficaja, ci-dessous, est très abîmée. On distingue toutefois les deux petits donateurs aux pieds de l’Immaculée Conception entourée des angelots règlementaires ; à droite, à mi-hauteur l’ange au miroir.
Sur la voûte de l’église de Palasca, ornée des peintures de Giovanni Pandini en 1872 (cf M E Nigaglioni op.cit.), figurent 4 tableautins représentant Saint Martin, Saint Pierre, Sainte Dévote et l’Immaculée Conception. Sur ce dernier on distingue l’ange au miroir qui brandit un miroir à main très féminin.
Le mot de M.-E. Nigaglioni : "l’auteur est peut-être un certain Salvatore Angeli, dont on sait par document d'archives qu'il a peint un tableau pour une confrérie de la piève de Caccia en 1727".
Centuri - Eglise St Sylvestre - détails
Pigna - L'Immaculée Conception et l'ange au miroir
Voici quelques œuvres hors de Corse :
La Vénus au miroir du Titien, de Vélasquez ...
Le motif du miroir a inspiré nombre d’artistes et d’auteurs qui ont traité du symbolisme de cet objet et ont proposé de multiples interprétations…
Platon y voit l’origine de la peinture (La République). Instrument de la connaissance, de la vérité, de la Prudence, symbole de la coquetterie, de la luxure, de la vanité des choses.