Le motif de la Vierge des 7 Douleurs est lié à Saint Augustin et à l'Ordre des Servites de Marie.
Ces derniers, constitués au XIIIè s., obéissant à la Règle de Saint Augustin pour une vie monastique accomplie, avaient choisi d'honorer l'Addolorata, la Madone des 7 Douleurs, la Mater dolorosa.
Voir nos pages sur Saint Augustin et les Couvents des Servites de Marie en Corse.
L'histoire des Sept douleurs
Lors de la présentation au Temple de Jésus (la Circoncision), le vieux Siméon aurait dit à la Vierge : "Tuam animam pertransibit doloris gladius" : un glaive de douleur transpercera ton âme (Saint Luc, 2,35)
Il était alors facile de symboliser la douleur de la Vierge par un glaive ; il en fut ainsi jusqu'à la création de l'Ordre florentin des Servites de Marie qui décrivirent et honorèrent les Sept joies et les Sept Douleurs de la Vierge.
Les Servites fixèrent la célébration de l'Addolorata ou Mater Dolorosa au 15 septembre.
Ils "inventèrent" le chapelet et le scapulaire des Sept Douleurs comme ils apparaissent ci-dessous.
Les Sept glaives
Dès le XVè s. on représente couramment 7 glaives plantés dans le coeur ou la poitrine de Marie.
Les 7 douleurs sont identifiées et nommées :
La prophétie de Siméon, la Fuite en Egypte, la Perte de l'Enfant Jésus resté dans le temple au milieu des docteurs, le Portement de croix, la Crucifixion, la Descente de croix et la mise au Tombeau.
Pour plus d'images et d'informations sur ce magnifique autel, voir notre page sur les Couvents des Servites de Marie en Corse.
Les édifices en Corse
Plusieurs chapelles sont dédiées à la Madone des Sept Douleurs
Située tout en haut du village au lieu-dit Borgo, la chapelle a été aménagée en 1700 à l'emplacement de la salle d'armes de l'ancien castel Savelli construit au cours du Moyen Age et démantelé en 1575. Consacrée en 1702.
Le commanditaire, le docteur Dominique Aitelli de Savelli, repose depuis le 12 février 1728 sous les dalles de ce sanctuaire. (voir notice POP)
La Madone est représentée sur les supports les plus divers : toiles, décors plafonnants, statues, bas-reliefs, bannières, habits liturgiques, dans des attitudes variées, ses traits exprimant toujours la plus grande douleur, des larmes coulant parfois sur ses joues.
Comme on l'a vu dans notre page sur les Couvents des Servites de Marie, certaines oeuvres ont été épargnées lors de la désaffection ou de la destruction des couvents et ont trouvé refuge dans d'autres édifices.
Ainsi de très belles statues de procession :
Près de la Vierge de douleur, figurent des instruments de la Passion du Christ .
Pietà, Vierge de Pitié, Mater dolorosa
La déploration du Christ par sa mère qui tient le corps de son fils sur ses genoux après la descente de la croix - la Pietà - s'associe au motif du glaive.
Le prolifique Francesco Carli s'en est emparé.
La petite Madone au joli visage rond, aux longs doigts effilés, paraît aussi jeune que son fils.
D'autres peintres ont travaillé ce motif.
La Vierge de douleur avec de saints personnages
Elle apparaît à de saints personnages, qui varient selon les villages et les commanditaires.
Retrouvons le délicieux Carli ainsi que d'autres peintres connus en Corse : Nicolao Castiglioni, Marc'Antonio De Santis, Casalta, Giacomo Grandi.
En premier lieu, les saints Servites qui figurent sur des oeuvres rescapées des anciens couvents.
La Vierge est entourée à gauche de Filippo Benizzi général des Servites de Marie et grande figure de l'Ordre ; à ses pieds deux angelots tiennent la tiare et la mitre que Filippo Benizzi refusa.
A droite Saint Antoine abbé ; ils intercèdent en faveur des Ames du Purgatoire, les désignant à la Vierge.
A Piedicorte di Gaggio dans le Centre Corse, l'autel N.-D. des 7 Douleurs dans l'église paroissiale s'orne d'un retable de Nicolao Castiglioni (actif 1615-1651) pour l'ancien couvent de Capucins.
On y voit la Vierge à l'Enfant adorée par Saint Sébastien et Saint Roch à droite ; Saint François d'Assise et saint Césaire de Terracina à gauche. Saints et martyrs qui ont vu leur chair transpercée.
La présence des Saints Sébastien et Césaire s'explique par l'existence non loin de deux édifices placés sous leur vocable. Quant à Saint Roch et Saint Sébastien, ils sont invoqués contre la peste.
Voir nos pages sur la peste et sur Saint Sébastien.
A droite Saint Jean l'Evangéliste titulaire de l'église paroissiale ; à gauche saint Mamilien (une chapelle médiévale lui était dédiée dans la montagne).
Dans le cartouche en bas, on distingue la naissance de Saint Jean ? ou de la Vierge.
L'artiste a figuré dans des médaillons les sept douleurs de Marie, comme à Prato di Giovellina plus haut.
Une magnifique découverte
Quand la municipalité de Palasca en Balagne confia à Renato Boi, restaurateur italien réputé, le soin de remettre en état quelques oeuvres du patrimoine religieux, nul ne s'attendait à découvrir sur le retable du maître-autel de la chapelle Saint-Sébastien un tableau sous le tableau qui pourrait dater de la construction de la chapelle en 1670 !
C'était en 2017. Branle-bas de combat.
Ci-dessous le tableau de Luiggi Brunetti de 1849 figurant Sainte Lucie et Saint Sébastien aux pieds de la Vierge des 7 Douleurs.
Au niveau de la flèche dans la poitrine de Saint Sébastien, on distingue des morceaux de l'oeuvre d'origine mise à jour par Renato Boi.
Que faire ? ignorer le tableau ancien ? sacrifier Luiggi Brunetti ? Interrogé à titre d'expert, M.-E. Nigaglioni écrit ceci :
"Luiggi Brunetti a manifestement été chargé de restaurer une toile ancienne, trouée ... et par la même occasion, on a dû lui faire ajouter des saints personnages dans le registre inférieur (sainte Lucie, saint Sébastien) qui ne figuraient pas forcément dans la composition d'origine.
Les personnages que l'on voit réapparaître sont des "âmes du Purgatoire" qui devaient être figurées aux pieds de la Vierge.
Je note que la qualité de la peinture retrouvée est bonne et que Brunetti n'est pas un grand maître."
(message adressé à Eric Beretti adjoint au maire délégué au patrimoine).
Il ajoute être favorable au dégagement de l'oeuvre d'origine.
Finalement, il s'agirait d'une oeuvre du XVIIè possiblement de Marc'Antonio De Santis ou Carlo Farinole déjà rencontrés dans ces pages.
La Madone des Sept douleurs ailleurs
Le motif de la Vierge de douleur est loin d'être épuisé.
Il faut y rattacher toutes les petites Vierges que nous avons rencontrées dans nos églises et chapelles, affligées, en prière, exhibant leur coeur souffrant.
A suivre ...
Renvoyons aussi à notre collecte : Vierges de Miséricorde, Vierges allaitantes , nombreuses en Corse.