1. LE TOURISME
LA STATION DE SKI
L'ECO-MUSEE - A CASA DI A MUNTAGNA
LA VALLEE ET LA MONTAGNE
LE PONT GENOIS
Le tourisme représente la part essentielle de l'activité économique d'Asco.
Son site incomparable dont nous avons longuement parlé (voir Asco 1ère partie) offre de nombreuses possibilités aux résidents de l'Ile et aux touristes : escalades en haute montagne avec notamment le passage le plus impressionnant, au lieu-dit I Cascittoni, du mythique GR20, et d'autres attractions plus abordables : randonnées en forêt, baignades dans les nombreuses vasques de la rivière, pêche à la truite, découverte de la faune et de la flore ...
Dans l'Annuaire de la Corse de 1936, la vocation touristique d'Asco et de sa vallée est déjà soulignée :
"L'industrie touristique prospère très judicieusement d'année en année. Le village par lui-même offre de l'intérêt ; à l'orée de la belle forêt d'Asco, c'est un des meilleurs points de départ pour l'ascension du Monte-Cintu, du Monte-Padru et du Monte-Traunatu ; puis la Punta Minuta, le Capu al Dente, les colonnes de Marcia. Cette haute vallée se nomme Strambulaccio".
Mais c'est surtout dès les années 1960 avec le prolongement de la route conduisant au haut plateau de Stagnu et avec l'ouverture de la station de ski du Haut-Asco que le tourisme connaîtra un essor prodigieux.
LA STATION DE SKI DU HAUT-ASCO au lieu-dit STAGNU
C'est à l'initiative du maire de l'époque, Jean-Vitus Guerrini, que fut construite en 1964 la station de ski du Haut-Asco.
En février 1934 une terrible tempête de neige s'abattit sur la Corse, occasionnant des dégâts considérables.
Plusieurs villages étaient isolés et toutes communications interrompues. La situation était dramatique.
Des skieurs niçois furent héliportés au-dessus des villages isolés. Ainsi les Ascolais virent-ils arriver par le col de Laggiarellu qui surplombe le village "de drôles d'oiseaux" qui n'étaient autres que des skieurs.
"En 1934, ce fut la catastrophe. Des villages corses balayés par les neiges, isolés dans des étendues immaculées, enfouis sous des épaisseurs. L’élément avec lequel nous jouons se fâche bien souvent. Ces jours-là, il s’était attaqué à une population sans défense, connaissant mal ses traîtrises et un groupe de skieurs niçois était parti à son secours.
Ce fut la première expédition à ski connue dans l’Ile de Beauté. Sans doute, chaussés de leurs lattes quelques skieurs anonymes avaient-ils déjà parcouru les hautes vallées qui s’étagent à plus de deux mille mètres d’altitude au-dessus de la ville de Bonaparte ou de celle de Sampiero Corso.
Mais ils n’avaient pas pris le soin de faire part de leur découverte et quand nos sauveteurs niçois arrivèrent avec leurs longs pieds de bois, ils étonnèrent la plupart des indigènes, encore émus tragiquement par les événements qui venaient de les atteindre dans leur bien et même parfois dans leurs affections les plus chères.
Mais désormais le ski n’était plus inconnu en Corse."
JEAN EPARVIER - BASTIA JOURNAL 27 décembre 1937
C'est à ce moment que Jean-Vitus Guerrini, comme il nous l'a raconté, eut l'idée d'implanter une station de ski sur le territoire ascolais !
"J'ai pensé à une station de ski à la suite des chutes de neige de 1934. La commune, comme toutes les communes de Corse, était isolée, il y avait 4 mètres de neige. Et un beau jour, après 11 jours de séparation du reste du monde, j'ai vu venir des skieurs du col de Laggiarellu , à 1000 mètres au-dessus du village. Ils venaient s'inquiéter de nous en demandant si nous avions besoin de quoi que ce soit. C'est à ce moment que j'ai eu l'idée de faire dans le haut plateau de Stagnu une station de ski ..."
Au départ de cette aventure, il n'y avait à cet endroit, appelé le plateau de Stagno à 1500 mètres d'altitude, que des bergeries.
Les 3 derniers kilomètres pour ouvrir la route du lieu-dit Caldane jusqu'au plateau de Stagnu furent accomplis avec l'aide de la Légion étrangère basée à Bonifacio.
Trois remonte-pentes, un bar restauration et dix chalets en forme de ruches, quelques caravanes permettent de démarrer la grande épopée blanche.
Des moniteurs de l'école française de ski furent recrutés et des compétitions organisées.
De la Corse tout entière les amateurs affluèrent et nombreux sont celles et ceux qui apprirent à skier à la station d'Asco.
En témoignent ces articles et photos parus dans Corse-Matin du jeudi 15 octobre 2015 à l'occasion de la réouverture de la station. Les auteurs rappellent les heures glorieuses de la station dans les années 1960.
"J'ai appris à faire du ski ici!" Une phrase chargée d'émotion, qui revient inlassablement. Les yeux de nombreux habitants d'Asco reflètent les souvenirs de la joie des innombrables glissades enneigées de leur enfance. Tout a commencé ici dans les années soixante."
1969, une avalanche meurtrière
Le dimanche 16 février 1969, à 9 heures du matin, une avalanche se déclenche emportant le chalet où sont hébergés douze enfants dont quatre décèderont. Ce tragique accident marquera la Corse durant de nombreuses années.
La station de ski fonctionnera jusqu'en 1992, année de sa fermeture due à de mauvaises conditions atmosphériques qui provoquèrent de fortes dégradations sur les équipements et les pistes.
REOUVERTURE DE LA STATION DE SKI
Corse-Matin 27 juillet 2012 "La tournée des villages" (Dumenicu Armani)
Bernard Franceschetti, Maire d'Asco, entend redonner aux sports d'hiver, son lustre d'antan :
"Nous avons commandé une première étude dont nous attendons les résultats en septembre. Les mots d'ordre sont préserver et développer. Nous voulons donner un nouvel élan à notre vallée, dont la grande biodiversité est reconnue par tous ... 2013 devrait être l'année charnière du dossier. En plus de redonner vie au tourisme d'hiver, cela va permettre de créer des emplois"
Corse-Matin 15 octobre 2015 (Barbara Ignacio-Luccioni)
"Un réveil inespéré. C'est un peu le sentiment qui animait les habitants du village d'Asco. Hier, son inauguration officielle a réuni plus d'une centaine de personnes. Les financeurs du projet, les élus, les partenaires et bien sûr les habitants du village ...
Le maire Bernard Franceschetti souligne : " Vingt-quatre années se sont écoulées et aujourd'hui nous en sommes à la première étape du projet de la réhabilitation de la station. La preuve que même pour une petite commune il est possible de réaliser des projets".
Pour réveiller la belle endormie, il a fallu pas moins de 2,4 millions d'euros, financés à 52% par le fonds européen régional, à 15% pour la la Collectivité territoriale de Corse, à 13% par l'Etat et à 20% par la commune.
Le projet figure dans le document de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ; site internet : cf Dreal Corse, Station du Haut-Asco.
- un téleski à enrouleur
- un tapis roulant
- un fil neige
- un engin de damage de dernière génération
Dans le projet initial était prévue l'implantation d'un télésiège permettant ainsi un fonctionnement hiver comme été. Ce projet est, pour l'instant, en sommeil.
La station de ski d'Asco a ouvert ses portes samedi 4 janvier 2025. Comme prévu le foule était au rendez-vous. Sous un beau soleil, des centaines de personnes étaient présentes pour enfiler les skis et tester les 4 pistes ouvertes.
Les skieurs ont pu profiter en toute sécurité d'une belle couche neigeuse qui s'est maintenue grâce à des températures basses et au travail des canons à neige
L'ECOMUSEE : A CASA DI A MUNTAGNA
Parallèlement à l'inauguration de la réouverture de la station de ski, a été inaugurée A casa di a Muntagna qui accueille l'écomusée.
Le bâtiment d'origine a été construit en 1992. Dans le cadre du projet d'aménagement ce bâtiment a été rénové et adapté à sa nouvelle destination, un écomusée.
Cette requalification a permis l'intégration de différents services.
Le rez-de-chaussée accueille la billetterie et d'autres box à vocation commerciale.
L'accès aux niveaux supérieurs desservi par un large escalier a été complété par la mise en place d'un ascenseur réservé aux PMR.
L'étage est aménagé en écomusée, avec halls d'exposition et d'animations qui présentent la vallée d'Asco avec les aspects de la genèse géologique, la flore, la faune, la vie traditionnelle dans son environnement.
Cet ensemble dont l'aspect pédagogique est évident, comprend également une salle de projection, des panneaux interactifs, divers animaux empaillés caractéristiques de la région, de nombreuses photographies.
Cet écomusée mérite le détour pour découvrir le patrimoine biologique et culturel de la magnifique vallée d'Asco.
On y apprend à mieux connaître "a Muvra", le mouflon corse, grâce à des films et des tablettes interactives
Avec la réouverture de la station de ski et la création de l'Ecomusée, Asco possède là deux atouts majeurs pour attirer les touristes, corses, continentaux ou étrangers.
Mais ce ne sont pas les seules richesses dont dispose le village.
Le site montagneux qui entoure Asco et sa vallée constitue une part importante de ce capital touristique.
S'y ajoutent diverses activités sportives ou de loisirs : les baignades dans les vasques naturelles qu'offre la rivière, la pêche à la truite dans les ruisseaux poissonneux de Pinara, Corbica et autres affluents de l'Asco.
Les adeptes de la haute montagne auront de quoi satisfaire leur passion avec plus d'une dizaine de sommets qui, à l'instar du Monte Cintu, dépassent les 2000 mètres.
Sans parler du sentier du GR 20 qui traverse le Haut-Asco avec en prime l'un des passages les plus spectaculaires du circuit au lieu-dit I Cascittoni ou Cirque de la Solitude.
Ce sentier de randonnée est très fréquenté notamment en période estivale et la station du Haut Asco est une des étapes significatives. Les randonneurs y trouveront gite et couvert.
Ceux qui aspirent à des vacances plus apaisantes jouiront d'une superbe forêt avec, pour des bains rafraichissants, une rivière toute proche, dans un environnement paradisiaque.
Un camping bien aménagé, accueille de nombreux estivants.
Des cartes postales, aux titres louangeurs, voire hyperboliques ("séjour d'été incomparable / paradis du tourisme / village le plus pittoresque du monde") sont autant d'incitations à découvrir la beauté sauvage et préservée de la vallée d'Asco.
Un lieu touristique incontournable : LE PONT GENOIS D'ASCO
Ce pont datant du XVè siècle est inscrit depuis 1984 à l'inventaire des Monuments historiques qui le décrivent ainsi :
« Pont en dos d'âne destiné aux piétons et troupeaux, reliant Asco aux pâturages du massif du Cinto [vallée de Pinara] par les pistes traditionnelles.
Constitué d'une arche en plein cintre et d'un tablier avec pas d'âne saillants. La sous-couche du tablier est en grosses dalles de schiste bleu. La couche de finition était constituée de galets roulés, noyés dans un bain de chaux »
C’est le fameux pont génois, dénommé aussi pont romain.
Il en est une qui titre "une merveille des frères pontonniers, le pont génois d’Asco."
C'est un ouvrage admiré de tous, touristes, photographes, peintres et il figure dans de nombreux livres.
Ce pont propriété de la commune est situé au lieu-dit Lamella en contrebas du village.
Il mesure 20 mètres de long avec une arche unique de 6 mètres de portée et de 2 mètres de large. La voûte est réalisée en pierres de granit grises.
Il a subi une première restauration en 1971 où on l'a débarrassé de ses piliers de béton reliés à des cordages en acier.
Dans les années 1960, à la sortie du village en allant vers le Haut-Asco, une route fut construite permettant d'accéder au pont génois en voiture.
Suite à des accidents climatiques dans les années 1990, cette route fut partiellement détruite. Elle ne fut pas refaite.
Si l'on veut aller au pont génois, on emprunte le chemin pédestre d'origine situé en contre-bas de l'église.
2. LES FESTIVITES A ASCO
NOEL
La messe de minuit quand il y a avait un curé à plein temps.
Avant le 24 décembre on allait ramasser du bois afin d’en faire une sorte de chapiteau, « U Capile » ainsi dénommé à Asco.
On y mettait le feu qu’on entretenait pour qu’il dure un certain temps.
Des jeunes du village ont remis à l’honneur cette tradition.
Le chapiteau est savamment construit comme on témoigne les images ci-dessous.
U CAPILE
PAQUES
Antoine Trojani, écrivain et poète ascolais, Sott'a l'olmu, 1977, pp. 49/50, rappelle avec une certaine nostalgie les coutumes liées à la Semaine sainte à Asco.
"... Avà un si parla ne d'uffiziu ne di sepolcru ; appena s'ellu si cunnosce da Pasqua a Natale. Ma à tempi nostri, u marcuri santu si facia u sepolcru.
Un tendone neru chjudîa una cappella. A porta sempre spalancata era ariggiata di frisgiuli bianchi. A u tendone éranu azzingati i casubii, e stole di u prete.
Dentru u sepolcru, in tarra, éra stesu u crucifissone. Era probiu un sepolcru. Ind'un scornu c'éra una giarra per l'oliu. E donne, una ad una o à coppii, purtàvanu a lumeruccia in vetru o in latta, cum'elle facîanu per tutti i morti, ch'éra mortu u nostru Signore. E ci si pregava o parlava sottu voce.
I zitelli guardàvanu da a porta, impeuriti ; ma un entrîanu in quella cappella bench'ella un fussi cusi' bughjunosa ma trista e silenziosa. Mancu e donne un chjachjaràvanu in sepolcru ..."
Un vennari da mane, u prete, accumpagnatu da i pretini e da i cantori, andava à a porta di u sepolcru, s'indinuchjava e principiava à cantà un voceru pè u Cristu ...
Quandu e dece strufate éranu compie, u prete si rizzava e intunava u cantu per fà u giru di u paese ...
E si facia u giru di u paese, per quelle chiasse petricose, sottu quellu sole chjaru, giovanu, ridente. Tutti seguitàvanu e cantàvanu ...
Traduction
"... Maintenant on ne parle ni d'office ni de sépulcre ; à peine si l'on distingue Pâques de Noël. Mais à notre époque, le mercredi saint on faisait le sepolcru.
Une grosse tente noire fermait une chapelle. La porte toujours grand'ouverte était ornée de rubans blancs.
A la grosse tente étaient accrochées les chasubles et les étoles du prêtre.
Dans le sepolcro, par terre était étendu un grand crucifix. C'était vraiment un sepolcro. Dans un coin, il y avait une jarre pour l'huile. Les femmes, une à une, ou par deux, portaient le lumignon en verre ou en fer blanc, comme elles faisaient pour tous les morts, puisque notre Seigneur était mort. Et on y priait ou on y parlait à voix basse.
Les enfants regardaient par la porte, apeurés ; mais ils n'entraient pas dans cette chapelle bien qu'elle ne fût pas si sombre mais triste et silencieuse. Même les femmes ne bavardaient pas dans le sepolcro ..."
Le vendredi matin, le prêtre accompagné par les enfants de choeur et les chanteurs, se dirigeait vers la porte du sepolcro, s'agenouillait et commençait à chanter le voceru pour le Christ ...
Quand les dix strophes étaient finies, le prêtre se levait et entonnait le chant pour faire le tour du village ...
Et l'on faisait le tour du village par ces chemins pierreux, sous un soleil clair, jeune, riant. Tout le monde suivait et chantait ...
Actuellement les fêtes religieuses de Pâques sont bien plus sobres et peuvent se résumer à un simple office.
CARNAVALE
O CARNAVA, UN TI N’ANDA !
C’est encore Antoine Trojani qui consacre une dizaine de pages à la tradition du Carnaval à Asco. op.cit. pp 177/180
Aghju dettu chi e maio feste di l’annu eranu Natale e Pasqua. Ma aghju paura d’un essemi sbagliatu. Un pastore dicia :
« C’è tre feste principali, Pasqua, Natale e il Santissimu Carnavale ».
Ava indù i nostri paesi l’usi carnavaleschi so, si po di, spenti. Si sà perché. I paesi muntagnoli si viotanu. Zitellina e ghjuventù ci ne è poca o micca. E case, piene zuffe di statina, d’invernu so viote, ceche e mute …
Eppo l’usi so cambiati.
Ma prima di trenta nove , e ancu prima di quattordici, indù i nostri paesi di muntagna, e case erano piene di ghjente e di roba … Tandu e feste eranu più sulennizate, e s’aspittavanu cume u Messia.
Traduction :
J’ai dit que les fêtes majeures de l’année étaient Noël et Pâques. Mais j’ai peur de m’être trompé. Un berger disait :
« Il y a trois fêtes principales, Noël, Pâques et le Très saint Carnaval ».
De nos jours dans nos villages la tradition du Carnaval, on peut le dire, s’est perdue. On sait pourquoi. Les villages de montagne se vident. Il y a peu ou plus du tout d’enfants et de jeunes gens. Les maisons, pleines à craquer en été, sont, vides ; aveugles et muettes en hiver …
Mais avant 1939 voire 1914, dans nos villages de montagne, les maisons étaient pleines de gens et de choses … A cette époque les fêtes avaient quelque chose de plus solennel et on les attendait comme le Messie …"
Antoine Trojani décrit ensuite le Carnaval tel qu’il se pratiquait : l’organisation, les déguisements, les parcours dans le village avec les divers incidents qui l’émaillaient.
Ainsi on prenait soin d’éviter les maisons peu accueillantes pour se diriger vers celles où l’on invitait les participants à entrer. On leur distribuait diverses friandises pour, parfois, les inciter à parler et parvenir ainsi à savoir qui se cachait sous les masques.
Les déguisements sont eux aussi décrits :
« Unu s’era vestutu da tenente, incù e so spallette luccighjenti ch’abbaglilavanu… Un antru era vestutu inc’una tenuta d’alpinu
…
L’un s’était habillé en lieutenant, avec ses épaulettes brillantes qui éblouissaient. Un autre s’était vêtu d’une tenue de chasseur alpin…
On se déguisait aussi en fille et souvent on profitait de la présence de quelque militaire en permission pour lui emprunter ses habits.
Les mères racontaient, en vain, des histoires à leurs enfants pour les dissuader de se déguiser ou elles leur précisaient le moment exact où ils devaient rentrer.
Un soir l’auteur a lui-même participé à une sortie.
Le récit se poursuit et l’on apprend que le Carnaval avait son roi.
« Sopra u sedione in legnu e poco agalupatu, c’era Carnavale stessu, mal acconciu e mal vestutu, capi tondu, zembu e guerciu, c’un nasu longu e bocca sdresgiuta, e paria ch’ellu ridissi sempre. Cume curona, duie fatogghje, una incalfata e l’altra cusgita à a suttana e piena di vetru. In manu dui pettini ferrigni. E cio chi si dicia e si facia era a so nome …
Assis sur un gros siège en bois peu adapté, il y avait Carnaval soi-même, mal attifé et mal vêtu, crâne rasé, bossu et borgne, avec un long nez et une bouche tordue ; on aurait dit qu’il riait tout le temps. Comme couronne, deux faisselles l’une enfoncée et l’autre, pleine de verre, cousue sur sa soutane. Dans sa main deux peignes à carder. Et ce que l’on disait ou faisait était en son nom.
U marti sera, Carnavale, stancu mortu, d’avè tanto spassghjatu, straziatu da quelli chi l’avianu purtatu, fiaccu d’avè intesu tante risate et tante cianfornie, d’avè vistu magnà e ssbiarazzà senza avè tastatu ne un pezzu di frappa ne una candella di vinu, Carnavale cascava malatu, muribondu. Pricurava, Ghjiulianu, chi incu u so catinone in capu facia da duttore, di tastalli u polsu , di falli fà impiastri di malba, di dalli lavativi. Un ci valse nulla ; e Carnaval murria, mentre he e maschere giravanu intornu cantendu :
Le mardi soir, Carnaval, mort de fatigue d’avoir tant cheminé, maltraité par ceux qui l’avaient porté, accablé d’avoir entendu tant de moqueries et de plaisanteries, d’avoir vu manger et boire sans avoir goûté ni un morceau de beignet ni bu une goutte de vin, Carnaval tombait malade, moribond. Julien, qui avec son gros pot de chambre sur la tête jouait au docteur, essayait de lui tâter le pouls, de lui faire des emplâtres de mauve, de lui administrer des lavements. Rien n’y faisait ; et carnaval mourait, tandis que les masques tournaient autour de lui en chantant :
O Carnava un ti n’andà Carnaval ne t’en va pas
Che ti vulemu cuntentà Car nous voulons te faire plaisir
Ti faremu li to calzoni On te fera tes pantalons
Tutti pieni di maraconi Tous pleins de macaroni
A stretta di notte, si lampava quellu spavechju sbrangulatu nant’u carcu di corrie e li si piciava focu E pigliendusi pè a manu, masci e femine, giravanu cantendu e ridendu intornu a quella fucaria.
Ma a festa carnavalesca un stanciava micca un ghjornu di Carnavale. Senza mascherassi, si ballava u sabbatu sera e a dumenica. »
La nuit tombée, on jetait cette mochetée toute branlante sur un tas de de genévriers et l’on y mettait le feu. Et se tenant par la main, garçons et filles, tournoyaient en hantant et en riant autour de cette belle flambée.
Mais la fête carnavalesque ne s’arrêtait pour autant le jour de Carnaval. Sans mettre de masques, on allait danser le samedi soir et le dimanche.
LA SAINT MICHEL 29 SEPTEMBRE
Diverses manifestations sont organisées pour la fête patronale de la Saint-Michel, le 29 septembre. La messe solennelle bien sûr, avec la procession de la statue du Saint, ornée de fleurs, et placée sur son baldaquin.
Au début du XXè siècle, si l’on se fie à une vieille carte postale n°24 intitulée La granitolo – St Michel d’Asco – 29 septembre 1920, on aurait pratiqué ce genre de procession, la granitola, qui consistait à s’enrouler et se dérouler tel un bigorneau ?
Dans les années 1960, la procession parcourait tout le village allant de la place de l'église à la croix érigée au lieu-dit Petroghju puis à celle qui se trouvait à l'entrée du village et retour à l'église.
De nos jours, la messe est toujours célébrée et la procession part de la place de l'église jusqu'à la mairie place du groupe scolaire.
Parallèlement à la messe, étaient organisées d’autres manifestations.
U pippaghju
C’était à cette époque qu’arrivait le marchand d’objets d’Orezza, U Pippaghju. Un homme bien charpenté, vêtu d’un habit de velours, d’une chemise à carreaux, d’un foulard rouge et la tête couverte d’un grand chapeau.
Il proposait à la vente divers objets sculptés dans du buis provenant de la région d’Orezza. Il y avait là des pipes, des fume-cigarettes,
des ustensiles de cuisine, des objets de bureau
LE TIR AU COQ
Place de l’hôte du Cintu se déroulait le traditionnel tir au coq. Il y avait là une murette sur laquelle s’appuyaient les tireurs. Le coq (u tintu ! le pauvre) était placé sur le versant en face, dans une pâture. Afin de le préserver un certain temps, on prenait soin de placer devant lui une pierre.
Les tirs pouvaient commencer alors avec des armes appropriées. Pour les fusils de chasse, la cible était trop éloignée ! Qu’à cela ne tienne, on utilisait des armes de guerre ! Des mauser allemands ou des mousquetons italiens. Pratique inimaginable à notre époque.
Il était difficile, à cette distance, de tuer le pauvre volatile. On le déplaçait alors du côté du ruisseau de Ranza, à une distance plus raisonnable, permettant de tirer au fusil de chasse. La messe alors était dite !
LES JEUX DE HASARD
Le soir dans les différents bistrots de l’époque s’organisaient les jeux de carte et de hasard, chemin de fer, poker roulette, tout au long de la nuit, voire le lendemain. Ascolais bien sûr mais aussi d’autres participants extérieurs au village « i furesteri ».
Témoignage François Namani dans son livre « I quattro verani, Cismonte e Pumonte, 2009, p.215 »
"U ghjornu di San Migheli, u curatu attirava in paese u mondu cattolicu di e pieve di Caccia, Merusaglia, Ghjunsani, Niolu e d'altro'.
I tragulini pruffitavanu di l'accolta di tutta 'ssa ghjente pè stende e mostrà : scarpi, panni, pipe e bucchini di lussu, schille d'acciaghju d'ogni sonu.
A notte, ind'è i caffè, ghjente d'altro', i prufessiunali di u ghjocu d'azardu stallavanu e tavulu di camminu di farru, poker, rulletta è i punti di ghjocu eranu tutti occupati."
Le jour de la Saint-Michel, le curé attirait au village le monde catholique des pieve de Caccia, Morosaglia, Ghjunsani, Niolu et d'ailleurs.
Les marchands ambulants profitaient de la venue de tout ce monde pour étaler et montrer : chaussures, vêtements, pipes et fume-cigarettes de luxe, clochettes en acier aux tonalités variées.
La nuit, dans les cafés, des gens d'ailleurs, les professionnels des jeux de hasard, installaient les tables du chemin de fer, poker, roulette et tous les endroits de jeux étaient occupés."
Il se disait même que d’aucuns auraient perdu au jeu toute une année de labeur !
A notre époque bien des rituels ont disparu, mais Noël et son capile subsistent ainsi que Pâques avec un moindre décorum.
Carnaval comme dit Antoine Trojani « si ne è andatu », s’en est allé. Quant à la Saint Michel, on célèbre la messe et on sort encore le Saint en procession.
Plus de pippaghji ni de jeux de hasard ni de tir au coq. Au moins un qui a de quoi se réjouir !
CHINA E TOMBULA
C’était le jeu du Loto que l’on pratiquait surtout durant les vacances scolaires, place du groupe scolaire, Piazza à a Ribba, le plus souvent, ou dans d'autres lieux comme U Chjassu.
De nombreux participants essentiellement des hommes.
On achetait des cartons ; la somme récoltée servait de pot que le gagnant, après vérification de son carton, empochait. Deux formules CHINA où il suffisait de remplir une seule grille de 5 numéros ou bien TOMBULA où il fallait remplir la grille entière (15 numéros).
Avec des rituels : pour le jeu China, quand il ne restait qu'une case à remplir on devait crier "a uno" ; pour la Tombula, quand il ne restait plus que trois cases, il fallait annoncer "a tre" ; les pions alors étaient tirés un à un.