SAINT LAURENT EN CORSE
2è PARTIE (mise à jour mai 2024)
PATRONAGES ET CEREMONIES
Saint Laurent était le patron des pauvres auxquels il avait distribué les trésors de l’Eglise. En outre il fut adopté comme patron par plusieurs corporations ou métiers.
Ses fonctions de diacre lui valurent l’hommage des bibliothécaires, bibliophiles et libraires, parce que les diacres étaient chargés de la garde des livres sacrés.
Mais c’est surtout son supplice sur le gril qui lui assura les dévots les plus nombreux.
Invoqué contre le feu, les incendies, il était censé protéger tous les gens de métiers particulièrement exposés à des brûlures : les pompiers, les charbonniers, les boulangers, les cuisiniers, les rôtisseurs, les souffleurs de verre, les repasseuses.
On l’invoquait pour la même raison contre le lumbago, le zona appelé gril Saint-Laurent qui se manifestent par une sensation de brûlure aux reins.
Cette relation au feu est une manière symbolique de rappeler que Saint Laurent fêté le 10 août est le saint de la canicule. En cela, il est le pendant de Saint Anto' di u porcu*, saint du froid (fêté en janvier).
* voir nos pages sur Saint Antoine abbé
Le jour de la Saint-Laurent, on devait se garder d’allumer du feu dans sa maison ou des cierges dans l'église, ainsi à Parata d'Orezza en Castagniccia, pour ne pas répéter le geste des bourreaux du saint.
On l'appelait en Corse : u santu di u focu.
Ramasser du charbon le jour de la Saint-Laurent était un hommage au saint mais aussi une manière de conjuration du mal en s'appropriant le martyre du saint en quelque sorte.
Ainsi à Tralonca (Cortenais), on déposait des morceaux de charbon au pied de la statue, en un rite à la fois magique et religieux. (cf Tempi fà, Bergers rites et croyances, p.272, op. cit.). On lira les pages consacrées à la Saint-Laurent à Ampriani p.136 sq).
Quelques ex voto :
ICONOGRAPHIE
Saint Laurent est considéré comme le plus méritant des porteurs de palme à cause de la cruauté du supplice qu’il endura.
Saint Laurent est vêtu d’une dalmatique (vêtement liturgique, insigne de l’ordre des diacres, d'après un habit romain originaire de Dalmatie) sur laquelle sont parfois brodées des flammes.
Ce tableau est inspiré d'une toile du peintre espagnol Murillo (1618-1682) figurant Saint Rodrigue de Cordoue, martyr chrétien du IXe s. (merci à M.-E. Nigaglioni et Elizabeth Pardon)
Des dalmatiques richement ornées :
Bibliophore (portant un livre) et staurophore (portant une croix), St Laurent porte le Livre des Evangiles et une croix processionnelle, parce que le port de la croix et la garde des Evangéliaires étaient l’apanage des diacres.
Une bourse ou un calice plein de pièces d’or fait allusion aux trésors de l’Eglise que le pape lui avait confiés et qu’il distribua aux pauvres.
LE GRIL DU MARTYRE
Cet attribut caractéristique - la cathaste, destinée à torturer les criminels - a fourni des scènes très expressives et nombre de statues, gravures, objets, verrières ...
Le tableau de Lavatoggio, chapelle San Lorenzo (hameau de Croce) est attribuable au peintre de l’école corse Pietro Antonio Rossi.
Le mot de Michel-Edouard Nigaglioni
Le tableau de Lavatoggio, et celui de Monticello (anonyme) dérivent tous deux d’une gravure. Cette gravure (composition inversée au moment de l’impression, par retournement de la plaque de cuivre) reproduit un tableau de Rubens (de la Alte Pinakothek de Munich).
A remarquer, dans les peintures de San Lorenzo et de Novale, les "souffleurs" qui s'activent pour entretenir les flammes !
L'extase et l'apothéose
Dans le tableau de Francesco Carli, à Tralonca (Cortenais), Saint Laurent se tient aux pieds de la Vierge et de l'Enfant Jésus avec Saint Joseph, reconnaissable à son bâton fleuri.
A Zilia (Balagne), dans l'église Saint-Roch, on le voit encore aux pieds de la Vierge en compagnie de Saint Michel Archange.
M.-E. Nigaglioni attribue la toile à Pietr'Antonio Rossi peintre actif en Corse de 1692 à 1722, déjà rencontré plus haut (cf Encyclopédie des peintres de Corse op.cit.)
A Sarrola-Carcopino, dans le tableau de la Remise du Rosaire à Saint Dominique et Sainte Catherine de Sienne, Saint Laurent occupe la partie inférieure du tableau.
A Lama une peinture monumentale le représente avec la Vierge au pied de Jésus rédempteur.
A Patrimonio (Cap Corse) il figure dans un tableau de Giuseppe Badaracco (1605-1657), La Vierge à l’Enfant entre Saint Jean-Baptiste et Saint Laurent. L'artiste génois a fait un séjour en Corse en 1642.
L'oeuvre aurait été commandée par la riche famille Calvelli, notables locaux.
Le mot de ME Nigaglioni :
"La Vierge, assise au centre de la composition, tient
l’Enfant sur ses genoux. De dimensions réduites, l’œuvre a un côté intimiste et naturaliste, accentué par le fait que la Vierge pose affectueusement sa main sur les épaules de Saint
Jean-Baptiste...
L’intérêt majeur de cette composition, simple et
dépouillée, réside dans les visages des différents personnages, particulièrement réussis".
Grâce à l'inventaire de 1610 par le vicaire général des Servites de Marie on sait que cette chapelle a été commanditée par Carlo Lorenzi de Morsiglia, d'où la référence à Saint Laurent. (cf Les Servites de Marie en Corse, sous la direction de Jean-Christophe Liccia, ch. VIII, Editions Alain Piazzola, 2000)
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