Dans nos pages consacrées à Saint Joseph, à la Nativité à l'Adoration des bergers, à l'Adoration des Mages et à Notre-Dame des Grâces, nous avons vu plusieurs représentations de la Sainte Famille. Cette scène mérite un complément d'intérêt.
Selon les commentateurs, il convient de distinguer :
- la Sainte Parenté qui présente tout ou partie de la famille de la Vierge :
Anne et Joachim, ses parents ;
Elisabeth, Zacharie ses cousins et le petit Jean-Baptiste ; (voir notre page La Visitation)
la Vierge, l'Enfant et Joseph bien sûr ;
d'autres saints en rapport avec le lieu ou le commanditaire.
- la Sainte Famille : Jésus, Marie, Joseph avec parfois le petit Saint Jean-Baptiste et des anges.
Cette composition constitue la Trinité terrestre, reflet de la Trinité céleste (Dieu le Père, Jésus et le Saint-Esprit).
On voit Marie et Joseph adorant l'Enfant et veillant sur son sommeil, en marche vers l'Egypte ou en repos pendant leur fuite , retour d'Egypte, en famille dans les activités quotidiennes ou lors de la présentation de Jésus au Temple, constituant un modèle pour les familles chrétiennes.
MODELES ET COPIES
La figure de la Sainte Famille suscita un vrai engouement dans le peuple et chez les artistes. De grandes oeuvres sont apparues en Corse par la diffusion des gravures en particulier et furent pour certaines abondamment copiées.
RAPHAEL (Urbino 1483- Rome 1520)
Cette grande peinture à l'huile sur bois (207 x 102 cms) a été transférée sur toile en 1751.
Il s'agit d'une commande du pape Léon X qui a offert le tableau au roi François Ier. On a pu y voir une allusion à la récente maternité de la reine Claude de France.
Ce tableau a été offert par la famille Gavini à la paroisse. Il est mentionné en 1906 dans l'inventaire des biens de la fabrique. (mh)
On y voit Marie et Jésus, Elisabeth et le petit Jean-Baptiste et ses attributs (la peau de bête et la croix en roseau). Il désigne Jésus à l'intention du spectateur.
La femme à gauche serait sainte Catherine en référence à son mariage mystique avec Jésus.
On aime l'attitude naturelle des personnages ; Jésus agrippe le corsage de sa mère, un pied posé sur la jambe d'Elisabeth, la jambe négligemment pliée sur les genoux de sa mère.
Il tourne son visage vers Catherine qui le touche du doigt. On dirait qu'elle le chatouille mais ce n'est sans doute pas assez respectueux...
Les visages expriment la tendresse et l'adoration même si Marie paraît bien pensive. Les trois femmes forment un beau cercle aimant autour de l'Enfant.
L'impannata qui donne son nom à l'oeuvre désigne la tenture de lin qui voile la fenêtre.
ANTOINE VAN DYCK artiste flamand baroque élève de Rubens (Anvers 1599- Londres 1641)
VICO - Eglise de l'Assomption
CARLO MARATTA (Camerano 1625- Rome 1713)
Flores mei fructus honoris et honestatis (Mes fleurs sont des fruits d'honneur et d'honnêteté)- Eccl. 23-24 - tableau signé Francescus Carolus. (à signaler ! l'artiste signe rarement ses oeuvres)
VITTORE CARPACCIO peintre vénitien (1465-1525)
GERARD DAVID peintre hollandais 1460-1523
GUIDO RENI (1575-1642)
Le culte de la Sainte Famille - La Trinité terrestre
Le Moyen Age honorait déjà la Nativité, mais c'est à la Renaissance que la Sainte Famille devint très populaire et c'est au XVIIè s. après la Contre-Réforme, que ce culte se développa dans la liturgie chrétienne. Les quelques oeuvres ci-dessus en témoignent. Nul doute que beaucoup de gravures sur ce thème circulaient.
A Cotignac dans le Var eurent lieu les 10 et 11 août 1519 des apparitions de la Vierge et de Saint Joseph suivis de miracles qui furent honorés par la construction du sanctuaire de N.-D. des Grâces.
En 1637 un moine des Augustins de Montmartre nommé Fiacre eut la vision d'Anne d'Autriche disant des neuvaines au sanctuaire pour avoir un enfant et celle de la Vierge portant le Dauphin dans ses bras. L'année suivante naquit Louis XIV après 22 ans de mariage de ses parents.
La visite de la reine et de son fils à Cotignac le 20 février 1660 conféra encore plus de lustre à la ville qui devint un pèlerinage connu dans la région pour vaincre la stérilité.
De l'autre côté de l'Atlantique, François de Laval religieux d'origine française et fondateur du séminaire du Québec, informé de ces événements et témoin de miracles identiques dans l'île d'Orléans au Québec, fonda en 1684 la confrérie de la Sainte-Famille.
Il institua le culte de la Sainte-Famille, plus tard inscrit dans la liturgie catholique par le pape Léon XIII en 1893.
La Sainte Famille comme modèle pour les familles chrétiennes était fêtée d'abord entre Noël et l'Epiphanie, puis le premier dimanche suivant.
"Ce tableau a été réalisé par un peintre de l'école française du XVIIe siècle. Il a été acheté à Marseille, dans le premier quart du XXe siècle. Il a pris la place d'une toile, représentant " la femme adultère ", provenant de la collection du cardinal Fesch, qui avait été installée en 1846, puis enlevée en 1899".
Notice de la CTC par Ciavatti Jean-Charles ; Nigaglioni Michel-Edouard ; Mattei Maurice ; Liccia Jean-Christophe ; Vecchioli Paul-Félix ; Miniconi Marianne. Voir aussi l'Association Petre scritte.
La Fuite en Egypte et le repos pendant le voyage
L'annonce par les mages de la naissance de Jésus à Bethléem aurait grandement inquiété le roi Hérode qui régnait alors en Judée.
Son projet de tuer l'enfant, futur roi des Juifs, fut déjoué par des avertissements divins et malgré le massacre des Innocents (Mathieu 2,13-23), l'enfant fut sauvé. (voir notre page sur Joseph)
Jésus, Marie, Joseph durent fuir en Egypte où ils restèrent jusqu'à la mort d'Hérode. (Evangile de Saint Mathieu 2,13-15)
Cette épisode devint un thème iconographique majeur dans la chrétienté.
Les détails de la scène sont charmants : Marie et l'Enfant juchés sur un âne ou se reposant sous un palmier (ou autre arbre) miraculeusement couvert de fruits que l'on voit cueillir par Joseph ou des anges ; Marie et Joseph veillant sur le sommeil de Jésus.
La présence dans certaines oeuvres du petit Jean-Baptiste tenant la croix, son attribut majeur, permet le symbolisme et la prémonition du destin funèbre du Christ.
On ne peut parler du symbole de la cerise sans penser à la célèbre Vierge à la cerise du couvent d'Alesani dont l'original est honoré chaque 8 septembre lors de la fête de la Nativité de la Vierge. (voir notre page sur la Nativité de la Vierge )
Revenons au tableau de Sant'Antonino.
Voici une scène bien charmante et familière. La Sainte Famille, sous l'oeil placide de l'âne, est installée au bord d'un cours d'eau. Chapeau et bonnet sont posés au sol ; les pieds sont nus ou délicatement chaussés de sandales.
Joseph cueille une branche de cerisier couverte de fruits pour son fils, vigoureux garçonnet, qui tend quelques cerises à sa mère. Ces cerises sont le symbole du sang du Christ.
Marie qui occupe le centre de la toile recueille de l'eau dans une écuelle. Joliment coiffée de bandeaux et de tresses, elle est ravissante mais triste.
Les artistes ont souvent ajouté des anges venus "aider" la famille. Rien de tout cela ici. Tout le charme d'une scène familiale même si le drame y est inscrit. Comme la présence du petit Saint-Jean, le motif de la cerise (= sang) a été abondamment utilisé (Titien, Carrache etc.) bien avant de faire son apparition dans les scènes de fêtes galantes ...
On a vu plus haut (tableau de Gérard David) l'enfant tenant une grappe de raisin : le symbolisme du sang et la prémonition du destin sont les mêmes. Ainsi dans le tableau d'Aglaé Meuron ci-dessous et plus bas celui de Cristinacce.
Depuis longtemps, les Coptes d'Egypte (chrétiens) valorisent par des récits et des édifices qui le jalonnent, le prétendu parcours de la Sainte Famille en Egypte. Il est même question de le proposer au patrimoine mondial.
Ajaccio - Musée Fesch
Le Musée possède au moins 18 oeuvres italiennes sur ce thème, provenant pour la plupart du legs du Cardinal Fesch, oncle de Napoléon et grand collectionneur.
En voici quelques unes. Les autres, certaines accompagnées de commentaires ou de vidéos (émissions Galleria), peuvent être vues sur le site du musée :
https://www.musee-fesch.com/
Le sens profond de l'oeuvre n'est pas pour autant négligé, comme dans cette Sainte Famille où l'atmosphère menaçante du ciel orageux, ainsi que le geste de Jean-Baptiste tendant la croix à l'Enfant, annoncent le sacrifice du Christ (commentaire du site du musée).
La Sainte Famille en compagnie
Le culte de la Sainte Famille abondamment représentée et très populaire eut entre autres effets, de valoriser le personnage de Saint Joseph, vu au Moyen Age comme un vieillard bonhomme, souvent mis à l'écart. Voir nos pages sur Saint Joseph pour sa revalorisation !
On y verra des scènes de la vie quotidienne de la Sainte Famille, par exemple dans l'atelier du menuisier.
Même si le sévère XVIIè s. n'admit plus le caractère trop familier de ces scènes charmantes.
Les artistes ont dû gommer certains détails trop profanes et ajouter quelques anges pour souligner le caractère sacré de la famille...