Saint-Georges en Corse n'est pas seulement une eau minérale. Ce saint quasi légendaire est lié à l'histoire de Gênes et donc à la Corse.
Son histoire réactive mythes et symboles qui ont parcouru les civilisations les plus anciennes. L'Eglise catholique le range parmi les saints tueurs de dragons (sauroctones) et les saints intercesseurs.
Pourtant, sur l'île, peu d'édifices lui sont dédiés. Le culte de ce militaire à cheval aurait décliné après le développement de l'artillerie !
Les édifices
Selon G. Moracchini-Mazel (Corsica sacra,op.cit. p.134-135) une vingtaine d'églises et chapelles lui auraient été consacrées dès le IXè s. Voyons ce qu'il en reste.
La chapelle San Giorgio de Pianu d'Ampugnani a été construite entre le VIIè s. et le XIè s. voire plus tôt, sur un site préhistorique. Remaniée en 1843 en style néo- classique, elle a perdu son abside. Edifiée sur une falaise, elle offre une belle vue sur la vallée du Fiumalto.
La chapelle Saint-Georges de Valle d'Orezza, éloignée du village, à 700 m d'altitude, date du XIè s, comme l'indique le cartel à l'entrée.
Détruite par la neige au XVè s. elle a été reconstruite au XVIè. Elle est, comme on dit, nichée parmi les châtaigniers et présente des portes aux pierres et linteaux intéressants.
Chaque année une procession s'y rend le 23 avril, fête de Saint Georges, comme à Olivese où la coutume veut qu'on en rapporte une branche d'arbousier qui ne sèche pas de l'année.
Pour la description détaillée voir G. Moracchini-Mazel, op.cit. p.65
La chapelle de Rogliano peut dater du Xe s. comme celles de Vallecalle ou Calacuccia.
Une légende s'attache à la construction de cette chapelle.
Autre chapelle dédiée à Sartène (Foce Bilzese) mais nous n'avons pas de photo.
G. Moracchini-Mazel signale encore des traces d'édifices Saint-Georges à Zonza, Carbuccia, Antisanti, Grosseto.
C'est non loin de ce dernier village, sur la route qui relie Ajaccio à Sartène que se trouve le Col Saint-Georges, proche de l'usine d'embouteillage de la célèbre eau de source.
Il y aurait également des traces d'une chapelle Saint Georges à Tuarelli sur la route de Manso en Balagne.
La Légende dorée de Saint Georges
Georges (en grec son nom signifie laboureur) aurait vécu au IVè s. C'était un militaire romain chrétien sous Dioclétien.
Il agit en homme de bien et en prosélyte si bien qu'il est arrêté et gravement martyrisé (un catalogue d'atrocités) mais toujours sauvé in extremis par une intervention divine.
Il finira décapité et là personne ne peut plus rien pour lui. Pour plus de détails voir La Légende dorée* de Jacques de Voragine.
* Ed Garnier-Flammarion, tome 1, page 296.
Saint Georges est surtout celui qui a sauvé la belle princesse de Trebizonde du dragon affamé qui ravageait troupeaux et jeunesse de la contrée.
Il prolonge ainsi le mythe de Persée et d'Andromède, évoque celui de Roland et d'Angélique, de Siegfried qui tue le dragon Fafnir et même de Don Quichotte et Dulcinée. C'est en tuant le dragon que, blessé par le venin, Tristan sera soigné par Iseut la Blonde. Selon Louis Réau, Georges serait la réplique chrétienne du dieu égyptien Horus représenté à cheval, transperçant un crocodile de sa lance.
Dans la symbolique chrétienne, il figure la victoire des forces du Bien sur le Mal, du civilisé sur le barbare comme dans le tableau d'Uccello où les champs bien alignés (Georges le laboureur) s'opposent explicitement au chaos de rochers.
Plus généralement, il est le modèle humain du courage et de l'abnégation.
Le dragon (voir notre page sur Ste Marguerite) est un monstre composite : serpent à la longue queue annelée, cuirassé d'écailles, gueule de lion, ailé, griffu, dentu, écailleux, venimeux ; c'est aussi un petit parent du Sphinx et du Minotaure.
L'Eglise Sainte-Marie de Valle d'Orezza
Proche de la chapelle Saint-Georges, patron de la commune, elle abrite plusieurs oeuvres consacrées au saint.
Dans une atmosphère d'orage, le saint qui occupe la toile en diagonale transperce le monstre.
Au loin la princesse s'enfuit vers une ville côtière dont on devine les remparts. En bas les âmes du Purgatoire supplient le saint d'intercéder pour leur salut.
La chapelle Saint-Georges de Valle d'Orezza abrite un autre tableau de Francesco Carli, identique mais sans les Ames du purgatoire.
La magnifique porte de l'église Sainte Marie de Valle d'Orezza (XVIIIè) - voir aussi celles de Zuani et de Piazzole - a été récemment restaurée.
La riche documentation mise à la disposition du visiteur (merci M. le Maire pour la visite guidée), montre la restauration de l'autel Saint-Georges.
L'autel réalisé par Giovanni Raffalli le Vieux stucateur de Piedicroce au 18e s. a été restauré en 2010 par Jean-Claude Torre qui a reconstitué le groupe cavalier à partir de morceaux trouvés derrière le retable.
Pour le fronton il s'est inspiré d'autres oeuvres du stucateur.
L'iconographie
Saint Georges est le plus souvent figuré sur un cheval blanc (pureté), en action, sa lance Askalon enfoncée dans la gueule du monstre ou l'épée brandie.
Il est habillé en soldat romain. C'est un "saint militaire" comme Martin, Pancrace ou Gavin. L'archange St Michel, lui est ailé et jamais à cheval évidemment.
La scène est animée et romanesque : le décor torturé, le cheval cabré, le dragon effrayant, le sauveur casqué et la princesse éperdue en arrière-plan ...
Ici tous les éléments sont réunis; s'y ajoutent quelques personnages à gauche qui prient ou désignent de la main la lutte exemplaire du chevalier inspiré par le Ciel, proche de saint Michel écrasant Satan (voir nos pages sur l'archange).
Comme dans le tableau de Francesco Carli de Valle d'Orezza, la disposition en diagonale contribue au dynamisme de la scène.
Le culte
Son culte se développe très tôt, d'abord en Orient ; puis en Italie : il est le patron de la ville de Gênes qui arbore son drapeau blanc à la croix rouge (vexillum beati Giorgii) décrit dès 1198.
Une des premières églises sous son vocable est à Rome (San Giorgio in Velabro) ; Venise lui consacre trois de ses églises et non des moindres.
Il est le Saint des Croisés qui brandissaient la bannière à croix rouge, symbole de l'Eglise triomphante, celle que tient le Christ ressuscité.
Il est aussi le patron de l'Angleterre ; sa croix rouge sur fond blanc figure sur le drapeau britannique ainsi que sur les drapeaux savoyard, sarde et de bien d'autres pays. Et Baden Powell a fait de lui un modèle pour les scouts.
On ne compte plus les corporations ou congrégations qui l'ont choisi comme patron.
Dans la culture populaire et le calendrier des jardiniers, il est l'un des "cavaliers du froid" (fêtés entre le 23 avril et début mai), qui avertissent que les gelées tardives peuvent encore se produire. : Gelées de saint Georges, saint Marc, saint Robert, "récoltes à l'envers".
L'Eglise Saint-Georges de Quenza abrite une toile de Marc-Antonio De Santis (18e s.) où le saint adore la Vierge en compagnie de saint Laurent.
A Tomino dans le Cap Corse, une toile également (voir l'ouvrage sur Tomino publié par l'association Petre Scritte)
Saint Georges et Gênes
Le lien du saint patron de Gênes avec la Corse est évident. La République de Gênes délégua la gestion de la Corse en 1457 à l'Office Saint-Georges, puissante banque italienne fondée en 1407, dont l'emprise s'étendait un peu partout dans le monde. Son action fut très prégnante sur l'île.
A Algajola, à 20 kms de Calvi, U Castellu, château fortifié qui domine la mer, était la résidence du gouverneur génois, lieutenant de l'Office.
Construit peu avant 1531 puis relevé de ses ruines, il est inscrit aux Monuments historiques depuis 1965.
Il sera la résidence des gouverneurs jusqu'en 1764.
La forteresse voisine s'appelle le Bastion Saint-Georges.
La ville fut saccagée par les Turcs en 1643 ; alors les Génois la fortifièrent en 1664. D'où ces bâtiments occupés encore aujourd'hui.
L'Eglise Saint-Georges d'Algajola
L'église paroissiale, honore largement le saint chevalier.
L'église recèle d'autres trésors :
A Olmi-Cappella, on voit la Vierge et l'Enfant dans les nuées adorée par Philippe Neri et Antoine Abbé à gauche ; à droite Jacques le Majeur et saint Georges, bouclier orné de la croix du Christ, casque à terre et doigt levé pour désigner Marie au fidèle. A terre le dragon, la lance fichée dans la gueule.
Saint Léonard, patron des prisonniers, tient dans sa main des menottes ; on distingue à ses pieds un cachot et des visages de prisonniers.
LES SAINTS MILITAIRES : Saint Martin (cliquer sur le lien vers notre page), Saint Pancrace, Saint Gavin.