LA NATIVITE DE LA VIERGE 2è PARTIE
MISE A JOUR DECEMBRE 2022 - NOVEMBRE 2023
LA LEGENDE DOREE DE LA NAISSANCE DE MARIE
Le récit ne figure pas dans les Evangiles mais dans le Protoévangile de Jacques, un texte apocryphe (i.e. non reconnu authentique par l'Eglise) datant de la seconde moitié du IIè siècle et prétendument écrit par Jacques le Mineur ou un disciple nommé Jacques le Juste.
On y raconte la naissance merveilleuse de Marie, née d'une mère stérile, Anne*, et de Joachim, un vieillard. (* voir notre page sur Sainte Anne en Corse.)
Alors que le vieux Joachim est moqué pour son absence de descendance et chassé du temple, il se retire au désert ; plus tard il est visité en songe par un ange qui lui apprend la naissance prochaine de sa fille.
Il revient chez lui, retrouve sa femme avertie aussi en songe à la Porte Dorée de Jérusalem ; ils échangent le baiser fécondateur (ab osculo) qui donnera naissance à Marie.
Cet événement miraculeux préfigure bien sûr la naissance de Jésus, né d'une vierge, et est à l'origine du dogme de l'Immaculée Conception ; Marie est doublement immaculée puisqu'elle est enfantée et enfantera "sans péché".
Elle serait donc exemptée du péché originel, conception qui soulèvera bien des problèmes théologiques. Affaire à suivre...
Revenons à la représentation de la naissance de Marie dont le nom vient du latin Myriam ou Maryam (transcription de l'hébreu signifiant "la grasse" et donc "la belle" selon les canons orientaux) ; elle fut ainsi nommée en souvenir de la soeur de Moïse.
Jusqu'au XVIè siècle, la naissance de Marie est représentée comme une scène familière et domestique, proche de la scène de genre.
Jugée ensuite trop prosaïque par l'Eglise, cette représentation perdra alors en charme populaire ce qu'elle gagnera en symbolique et en dogmatisme.
Quelles images de la Nativité de Marie en Corse ?
Voici le "programme iconographique" traditionnel de la scène, à partir de sept tableaux :
- ceux de Francesco Carli (1735-1821) pour l'église de l'Annonciation d'Erbajolo, de Sainte-Marie de Canavaggia et de Saint Siméon de Moïta.
- celui de l'église de l'Annonciation de Muro attribué au "maître des anges musclés", dont on connaît depuis peu le nom : Giuseppe Ronchi. (voir la page consacrée à ce peintre)
- celui de Domenico Desanti en 1846, pour l'église de la Nativité d'Azilone-Ampaza .
- celui de Paul-Mathieu Novellini réalisé en 1873 pour l'église de la Nativité de Penta-Acquatella.
- celui de l'église de la Nativité de la Vierge à Piedipartino en Castagniccia.
En haut du tableau et en arrière-plan, Anne repose dans un grand lit (rappel discret de la vie conjugale) ; autour d'elle, des servantes lui apportent bouillon, fruits, oeufs, à valeur hautement symbolique.
Les Egyptiens déjà mangeaient des oeufs qu'ils considéraient comme l'origine du monde.
A Rome, les oeufs figuraient comme entrée (gustatio) dans les banquets. L'expression "de ovo usque mala", de l'oeuf jusqu'aux pommes signifie quelque chose comme de A à Z, du début à la fin.
Aliment nourrissant, l'oeuf était servi aux convalescents et aux accouchées. De plus, considéré comme principe de vie dans la Bible, l'oeuf symbolise la (re)naissance et la résurrection. D'où sa présence récurrente dans les Nativités de la Vierge.
Sans oublier la tradition des oeufs de Pâques qui rappellent à la fois la résurrection du Christ et le renouveau périodique de la nature.
Ces reconstituants sont présentés sur un plateau, rappel du "desco da parto", ou plat d'accouchée, vrai plateau utilitaire pour apporter des boissons à l'accouchée (le bol de bouillon "scodella" avec son couvercle plat "tagliere").
Cette "mode" du plat d'accouchée est apparue au XVè s. en Toscane. Les difficultés de l'accouchement, la haute mortalité de la mère comme de l'enfant à l'époque, enfin, le souvenir cruel des ravages de la peste, ont suscité cet empressement à féliciter la mère ayant mené à bien (et survécu à...!) son accouchement.
Ces plateaux étaient parfois décorés par des artistes réputés pour les grandes familles florentines de la Renaissance.
Comme celui de Pontormo (1526) représentant la naissance de Jean-Baptiste.
On remarque, parfois, la présence discrète de Joachim ; le regard attendri de la mère à l'enfant ; ou encore Anne, les mains jointes, remerciant le seigneur.
Au premier rang, sages-femmes et matrones s'activent à la toilette du nouveau-né.
Des servantes affairées vont et viennent avec des linges et les font sécher devant un foyer.
Des gestes familiers, comme ces servantes qui tâtent la température de l'eau.
Le décor est domestique, plus ou moins raffiné, plus ou moins opulent selon les époques et les artistes.
Des objets familiers, des ustensiles divers et variés, aiguière, bassine, panier ; des meubles, des cheminées composent cette scène d'intérieur et la rendent particulièrement charmante.
Le nouveau-né est au centre de la composition.
Ronde et potelée, Marie est déjà assise et auréolée ou dans son berceau.
Des anges soulignent la dimension divine de la naissance, des chérubins portent des lis et des roses, déploient un phylactère ; des femmes apportent des corbeilles de roses, fleurs dédiées à la Vierge.
"Germinavit radix Jessé : orta est stella ex Jacob : Virga peperit Salvatorem" (Psaume : Antienne à la Vierge)
"La racine de Jessé a poussé : une étoile est sortie de Jacob : une Vierge a mis au monde un Sauveur".
A Muro, la matrone au centre de l'oeuvre organise la scène. Sur les visages des femmes, on lit la stupeur, l'émerveillement.
Giuseppe Ronchi a manifestement copié Pietro da Cortona (1596-1669) à droite.
Ainsi la naissance de Marie a donné lieu à quelques oeuvres intéressantes en Corse mais assez peu nombreuses finalement. Après le Concile de Trente, l'Eglise a jugé de telles scènes trop prosaïques. Les oeuvres ont alors privilégié les détails liturgiques (comme les anges dans certains tableaux ci-dessus), pour souligner le caractère divin de l'événement.
D'autres scènes de la vie de la Vierge, comme l'Annonciation ou l'Assomption, ont eu une plus grande fortune artistique.
La Nativité de la Vierge ailleurs
Où Marie est-elle née ?
La tradition situe l'événement près de la piscine de Béthesda (Porte des Lions) à Jérusalem, lieu que l'on vénère depuis le Vè siècle.
La légende raconte qu'après bien des tribulations (de Nazareth en Dalmatie puis en Italie), la "Casa santa", chambre où serait née Marie et où aurait eu lieu l'incarnation de Jésus, a été transportée - par des anges... - à Loreto, en Italie près d'Ancône. La translation aurait lieu en 1294 pour sauver l'édifice des Ottomans.
La ville de Loreto doit son nom à la tradition qui veut que la maison ait été déposée dans un bois de lauriers ou reçue par une certaine Lorette. Avis divergents....
La construction, considérée comme une relique, est abritée dans la cathédrale de la ville italienne et donne lieu depuis le XVè s. à un pèlerinage des plus importants.
Le culte se développa avec intensité. On attribua à Notre-Dame de Loreto de nombreux miracles et même la victoire de Lépante en 1651 contre les Ottomans.
EN CORSE
LA VIERGE NOIRE
Avant l'arrivée de la statue en bois qui représente Notre-Dame de Lorette, on vénérait une ancienne icône, qui représentait le visage de Marie.
Comme de nombreuses anciennes icônes, elle était plutôt foncée, probablement due à la fumée des cierges et des lampes à huile.
D'où sa représentation en vierge noire parfois.