L'ADORATION DES MAGES
décembre 2018 - Mise à jour janvier 2023
Notre moisson est plutôt maigre en Corse ! Et pourtant ce thème très populaire est représenté dès l'art des Catacombes.
Sources : l'Evangile de Matthieu 1,1-12.
Quelques lignes seulement de l'évangéliste pour rapporter l'histoire de ces trois mages (astrologues) persans qui lurent dans les astres la venue du Messie.
Ayant annoncé la nouvelle à Hérode, celui-ci leur donne pour mission de rechercher l'enfant roi.
En suivant l'étoile de Noël qui leur indiquait le chemin, les trois mages parvinrent au lieu de la naissance de Jésus.
Après l'avoir honoré, ils se retirent pour la nuit et un ange leur apparaît en songe : ils ne doivent pas retourner auprès d'Hérode dont le but est d'assassiner l'enfant.
D'après les chercheurs, il pourrait s'agir de la comète de Halley. Giotto l'aurait vue en 1301. L'étoile de sa fresque de la chapelle des Scrovegni à Padoue est clairement une comète.
Les Mages font offrande à Jésus de rares et précieux présents : l'or, l'encens, la myrrhe.
Que signifient ces offrandes ? l'or pour la royauté ; l'encens signe de la divinité du Christ ; la myrrhe, une sorte de résine qui servait à embaumer les morts dans l'Antiquité, indique la mortalité de Jésus (La Légende dorée de J. de Voragine).
Saint Bernard les interprète ainsi : l'or pour soulager la misère de la Sainte Famille, l'encens pour embaumer la crèche, la myrrhe pour les soins à l'Enfant.
La légende allant bon train en l'absence de sources historiques, on fit d'eux des Rois au Moyen d'Age (saint Césaire d'Arles).
Dès lors ils porteront la couronne en lieu et place de leur traditionnel bonnet phrygien. (voir le tableau de Santo Pietro di Tenda ci-dessus).
Ces rois exotiques, suivis de leur fastueux cortège de serviteurs, de chevaux et de chameaux, fascinent.
Cette célèbre fresque qui décore la chapelle du palais est un hommage à la famille des Médicis : Côme, Pierre et Laurent en cavalier y sont représentés. En même temps elle restitue le faste de l'équipage des Rois mages dans un paysage toscan !
On donne un nom et une origine à ces mystérieux voyageurs.
Au Moyen Age, on les dit descendants de Noé ; ils s'appellent Gaspard venu d'Inde, Balthazar l'Africain et Melchior, l'Asiatique.
Ils symboliseraient chacun un des grands continents connus ou encore les âges de la vie ; Melchior étant toujours un vieillard chenu.
C'est un moine anglais, Bède le Vénérable au VIIIe s. qui les décrit : "Melchior, un vieillard à cheveux blancs ; Gaspard, jeune encore et rouge de peau, Balthazar de visage noir et portant toute sa barbe" .
Quelques missels ici et là dans les églises corses renferment des illustrations de l'Adoration des Mages.
Le Roi noir
La couleur noire est connotée négativement jusqu'au Moyen Age. La présence d'un mage noir dans la légende est influencée par le Cantique des Cantiques où la Bien-aimée est noire et par la visite au Roi Salomon de la Reine de Saba qui, par les cadeaux exotiques qu'elle apporte pourrait préfigurer l'histoire des Rois Mages.
Mais aussi, la volonté de l'Eglise catholique d'affirmer son universalité et l'influence des voyageurs qui découvrent des populations étrangères.
Ainsi Balthazar - l'Afrique - est noir à partir du XIVe s.
Avant cela, on a représenté saint Maurice (un légionnaire égyptien du IIIe s. massacré avec ses compagnons sous Maximien) avec la peau noire ; de Maurice à "Maure" il n'y a qu'un pas ... Mais c'est une autre histoire.
Parenthèse: dans les rares représentations de saint Maurice vues en Corse, ce dernier à la peau blanche. Comme il est représenté en légionnaire, on peut le confondre avec saint Pancrace.
Revenons aux Rois Mages pour comparer le tableau de Frasseto :
Le folklore s'est emparé de cette histoire et les rois mages sont honorés dans nombre de pays, au moins pour la galette...
Traditionnellement, c'est le 6 janvier qu'est fêtée l'Epiphanie (du grec manifestation, apparition avec un sens d'éclat, de lumière).
Fête de la lumière dans les rites païens - les jours commencent à rallonger - Saturnales à Rome puis fête chrétienne qui célèbre la première manifestation du Messie au monde pour la visite des Mages.
On appelle aussi cette fête le Jour des Rois, où l'on "tire les Rois" ; celui qui trouve la fève dans la galette ou le gâteau étant le roi ou la reine d'un jour, comme au temps des Saturnales romaines : ce jour-là les rôles maître-esclave étaient inversés.
Cette fête reste très vivace aujourd'hui encore, commerciale bien sûr, mais quand même conviviale quand les épidémies nous laissent tranquilles ...
Dans certains pays ce sont les Rois Mages qui distribuent les cadeaux de Noël.
Si on veut suivre l'évolution du mythe et du culte depuis ses origines et sa diffusion depuis les évangiles apocryphes voir :
Jacques de Voragine, La Légende dorée
Louis Réau, Iconographie de l'Art chrétien
Emile Mâle, l'Art religieux
Michel Pastoureau, Noir, histoire d'une couleur
et, avec les réserves qui s'imposent, "sainte" Wikipedia".
Pour finir quelques oeuvres d'ailleurs :