SAINT ETIENNE EN CORSE 1 - Janvier 2023
Etienne (Στέφανος, couronne) est un prédicateur juif du Ier siècle considéré comme le protomartyr - le premier martyr- et le protodiacre - le premier diacre de l'Eglise. Son histoire est relatée dans les Actes des Apôtres livre 5 (Saint Luc).
A Jérusalem à cette époque cohabitaient (difficilement) les Hébreux, Juifs qui lisaient la Bible en hébreu et les Hellénistes, de culture grecque, installés en Judée, qui lisaient la Bible en grec (dans la Septante, la traduction grecque de la Bible).
Pour aider les apôtres dans leurs tâches et pour satisfaire les réclamations des veuves hellénistes qui trouvaient qu'on ne s'occupaient pas assez d'elles, les Apôtres créèrent la fonction de diacre (διάκονος, diákonos, serviteur).
Les Douze se consacraient à la prière et à la méditation tandis que les diacres s'occupaient de l'intendance et de l'organisation matérielle de la communauté.
« En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien.
Les douze convoquèrent alors l’assemblée plénière des disciples et dirent : « Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole. »
Cette proposition fut agréée par toute l'assemblée : on choisit Etienne un homme plein de foi et d'Esprit Saint, Philippe*, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas, Nicolas, prosélyte d'Antioche ; on les présenta aux apôtres, on pria et on leur imposa les mains. (Actes 6, 1-3). (* pas l'apôtre Philippe)
Les diacres étaient revêtus d'un habit rouge, la dalmatique. La fonction perdurera. Au IIIè s. par exemple : Saint Laurent et Saint Césaire.
(Voir nos pages consacrées à Saint Laurent. et Saint Césaire )
Aujourd'hui encore, des diacres sont ordonnés.
Saint Etienne sa vie, son oeuvre et ses miracles
Vers le Xè s., la Vita fabulosa sancti Stephani protomartyris dont le texte est conservé au monastère bénédictin du Mont Cassin en Italie, installe la légende de Saint Etienne. Plus tard Jacques de Voragine (La Légende dorée vers 1214) et avant lui, Saint Augustin (La Cité de Dieu (426)contribuèrent à installer le culte du saint.
A sa naissance dit-on, Satan vint le prendre dans son berceau et le remplaça par un petit démon. Il le déposa devant la maison de l'évêque Julien qui, alerté par ses vagissements découvrit l'enfant alors qu'une biche blanche l'allaitait. Celle-ci prit la parole et dit à l'évêque de s'occuper de lui. Elevé par l'évêque sous le nom de Nathanaël, Etienne, adulte, retourna chez ses parents et chassa le diable d'un signe de croix.
Etienne ne se contenta pas de servir en tant que diacre. Erudit et rhétoricien, il exposa, lors de harangues ses idées sur Dieu et l'Eglise, qui ne furent pas du goût des Hébreux ni du Sanhédrin (l'assemblée juive).
Accusé de blasphème contre Dieu, Moïse, la Loi et le Temple de Jérusalem, il argumenta devant ses juges mais en vain. Car après s'être brillamment défendu, il s'en prit aux juges qu'il traita de "cous raides" et "d'incirconcis du coeur et des oreilles" (Actes des Apôtres 7, 51).
Aussitôt il fut condamné et exécuté : "Ils (les juges) poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles, et ils se précipitèrent tous ensemble sur lui, le traînèrent hors de la ville et le lapidèrent. Les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul (le futur Saint Paul)"(Actes des Apôtres, 7,51-60) qui avait approuvé l'exécution.
Sa mort : "Santu Stefanu ghiè statu panculatu"
Il mourut entre 31 et 36.
Selon les commentateurs, sa mort n'est pas sans rappeler celle de Jésus (procès). Son corps exposé aux bêtes fut enterré par Gamaliel, docteur de la loi en Israël au temps des Apôtres et de saint Etienne (Actes des Apôtres 5, 26), membre du Sanhédrin.
C'est cette scène que nous avons vue dans quelques églises corses sous forme de tableau ou de façon plus allusive dans les statues du saint représenté avec les pierres qui l'ont tué.
Saint Etienne thaumaturge
Saint Augustin dans la Cité de Dieu (256) relate ses miracles, suivi en cela par Jacques de Voragine au Moyen Age ou d'autres auteurs de vie des saints comme Jean de Mailly, un moine dominicain de Metz qui au début du XIIIè s. composa des "légendiers" relatant la vie merveilleuse des saints. Ainsi des fleurs déposées sur l'autel dédié à Saint Etienne avaient des pouvoirs de guérison.
"Ainsi en est-il aussi de dame Patronia, gravement malade, qui consulte un jour un juif qui lui remet un anneau orné d’une pierre, qu’elle doit porter. Le talisman n’améliore cependant pas son état. En désespoir de cause, Patronia se réfugie à l’église de Saint-Étienne qu’elle implore avec ferveur. L’anneau glisse à terre et elle est guérie." Saint Augustin (wikipédia)
L'invention des reliques et le culte de Saint Etienne
Selon la légende, Gamaliel serait apparu au Vè s. au prêtre Lucien pour lui indiquer où se trouvait sa dépouille et celles d'Etienne et de Nicodème : c'est l'invention des reliques (au sens de trouvaille) en août 415, qui furent transportées à Jérusalem le 26 décembre de la même année. C'est à cette date que la dévotion à Saint Etienne prit son essor et qu'il est encore fêté aujourd'hui.
Une basilique fut édifiée en 439 à Jérusalem agrandie plus tard par l'impératrice byzantine Eudoxie où elle sera d'ailleurs enterrée.
Des reliques et des pierres de la lapidation furent dispersées en Occident et en Afrique où elles accomplirent de nombreux miracles (selon Saint Augustin).
A Rome 28 sanctuaires furent consacrés à Saint Etienne, ce qui fait de lui le 4e saint honoré dans la ville après la Vierge, saint Laurent et saint André.
Dans la liturgie, Saint Etienne fait partie de l'octave de Noël (huit jours de prières pour la Nativité) en tant que protomartyr, avec Saint Jean et les saints Innocents. C'est le Dies natalis et Etienne est dit premier nouveau-né après Jésus
Les Edifices consacrés à Saint Etienne en Corse
En Corse, au Moyen Age on comptait une quinzaine d'édifices consacrés à Saint Etienne, dont il ne reste pratiquement rien selon Geneviève Moracchini-Mazel (Corsica sacra, op.cit. p.121-122) : Speloncato en Balagne, la chapelle de confrérie de Belgodère ; dans le Centre : Aïti, l'abbaye San Benedetto et Stefano de Venaco à Corte, Castello di Rostino ...
AÏTI (ancienne pieve de Vallerustie, canton de San Lorenzo Cortenais)
Cette belle église de style baroque italien est magnifiquement implantée sur fond de montagnes.
Quand elle apparaît au détour de la route, le point de vue est superbe.
Bâtie vers le XIVè-XVè s., elle a été refaite au XVIIIè s. puis au XIXè s. (le clocher date de 1860) et enfin rénovée dans les années 80 grâce à un formidable élan de la population.
Les fresques du XVIIIè s. ont été refaites par un artiste du pays, originaire de Carpineto, Jean-Claude Torre.
Autres oeuvres remarquables de l'église d'Aïti
NOVALE (pieve d'Alesani en Castagniccia)
Encore aujourd'hui, Novale fête Santu Stéfanu le 3 août au lieu du traditionnel 26 décembre à cause du froid et de la transhumance ; les bergers étaient à la plaine.
C'était jadis l'occasion de régler les affaires courantes (les baux par exemple), et de se réunir en famille et entre voisins. Même les habitants les moins pratiquants n'auraient pas manqué cette célébration.
Messe, bénédiction des maisons et procession qui emmenait la statue ornée de lentisques et de roses jusqu'à la limite du village de Piazzali. (voir Tempi fà p.128)