PALAZZI DI L'AMERICANI

 

 

Eté 2016  : belle soirée sous les étoiles à la Villa Gaspari-Ramelli sur les hauteurs de Sisco dans le Cap corse.

 

Rose-Marie Carrega, maîtresse des lieux, organisait dans cette maison d'Américains appartenant à sa famille, un dîner champêtre suivi d'une conférence de Michel-Edouard Nigaglioni,  illustrée de nombreuses diapositives, et consacrée aux peintures murales et plafonnantes dans les maisons d'Américains du Cap Corse.

 

 

 

 

Un nouveau thème de recherches que MEN mène à fond comme d'habitude et dont il fait profiter l'auditoire.

 

Les maisons privées de Corse recèlent des trésors incroyables. Déjà l'an dernier MEN avait montré celles de Bastia dont la Villa Marengo.

 

 

Villa Marengo  plafond  Les Ages de la vie  Francesco Giavarini  cl.M E Nigaglioni
Villa Marengo plafond Les Ages de la vie Francesco Giavarini cl.M E Nigaglioni

 

Quant à nous, nous restons dans notre sujet puisque des passerelles s'établissent entre édifices privés et religieux. 

 

Soit par les artistes qui ont oeuvré dans les deux domaines, soit par les motifs décoratifs qui y figurent, reflet du goût d'une époque, soit encore par les témoignages (dons, ex voto, plaques funéraires ou commémoratives) qui rappellent ces Américains.

 

 

Eté 2017 jeudi 3 août : inauguration au Musée de Corte d'une exceptionnelle exposition : Palazzi di l'Americani montée tambour battant (en à peine 6 mois, tour de force pour une manifestation de cette ampleur) avec aux manettes, Michel-Edouard Nigaglioni et son complice Jean-Christophe Liccia, commissaires de l'exposition.

 

De nombreuses autres personnalités ont participé à cette aventure qui donne à voir et à apprendre beaucoup sur ces Corses du lointain dont certains descendants avaient d'ailleurs fait le voyage depuis Porto-Rico...

 

Etonnant d'apprendre que cette émigration a commencé dès le XVIe siècle depuis la Balagne !

 

 

Catalogue de l'exposition " Palazzi di l'Americani"
Catalogue de l'exposition " Palazzi di l'Americani"

 

 

Ceux qui s'intéressent à l'histoire des Corses, ceux qui ont voyagé dans le Nord de l'île ont tous croisé l'une ou l'autre des magnifiques maisons érigées par ces émigrants du Nouveau Monde, qui au XIXe s. surtout partirent pour Porto-Rico, le Mexique, le Vénézuela, la Bolivie, Cuba, Haïti ou les Etats-Unis.

 

"Heureux qui comme Ulysse" dit le poète ...

 

Beaucoup de ces marins intrépides sont revenus dans leur village "pleins d'usage et raison" et de fortune... pour y construire palazzi magnifiques et tombeaux imposants, témoins de leur réussite et du goût de l'époque : architecture toscane mâtinée d'éléments coloniaux ou néo-classiques, riches de symboles reliant à jamais la Corse et les Amériques, tels ces blasons corses et mexicains ornant des plafonds de ces palazzi ...

 

 

 (Cl. ME Nigaglioni)

 

 

 

Même de loin, certains ont contribué à l'embellissement de leur village : églises, fontaines, cimetières, écoles etc. Mais précisons que sur les milliers d'émigrants beaucoup n'ont pas fait fortune et ne sont jamais revenus dans leur patrie.

 

Il y aurait une centaine de palazzi rien que dans le Cap. Encore aux mains des héritiers ou vendues à des "étrangers" ou abandonnées ... Leur sort est divers.

 

Certains continuent à faire vivre ces magnifiques bâtisses, comme Rose-Marie Carrega par une politique culturelle inspirée  ; d'autres en font des hôtels ou des maisons d'hôtes comme à Feliceto (Palazzo Renucci) ou à Rogliano (Palazzu Nicrosi) ; d'autres enfin se battent pour qu'ils restent aux Corses. 

 

 

 

Ainsi on se réjouit que le Château Stoppielle à Centuri, qui a failli passer dans les mains d'un propriétaire privé, reste dans le giron de la communauté corse.

 

Il vient d'être préempté récemment par l'Office foncier de la Corse.

(France 3 CorseVia Stella, 3 juin 2017)



 

  

 

Le retour de ces Corses d'Amérique était parfois décevant : après de telles aventures, difficile de s'adapter à la vie villageoise ! Certains témoignent de leur ennui, d'autres s'installent plutôt à Bastia voire en Italie. Une anecdote : Toussaint Gaspari décu par sa maison de Sisco (trop petite !) n'y a jamais habité !

  

Mais revenons à l'exposition, magnifiquement documentée et mise en scène avec une grande élégance.

 

Elle s'articule autour des familles et de leur histoire : maquettes des maisons réalisées par l'Ecole d'architecture de Porto Rico aux bons soins de Enrique Vivoni et offertes au Musée, objets rares ou familiers, portraits, bijoux, vêtements, photos, documents originaux s'offrent à nos yeux grâce à la générosité de nombreux prêteurs.

 

Des noms familiers encore aujourd'hui sur l'île : Cipriani, Vivoni à Sisco enrichi dans le négoce de la canne à sucre, Padovani médecin à Porto Rico, Franceschi à Ponce, Battistini (mines d'or du Vénézuela), Mattei... 

 

C'est magnifique et très instructif.

 

Le catalogue est à lui seul une somme dont chaque article nous éclaire davantage sur ces destins originaux.

 

 

Santa-Maria-di-Lota   - Château Cagninacci
Santa-Maria-di-Lota - Château Cagninacci
Santa-Maria-di-Lota   - Château Cagninacci (perron)
Santa-Maria-di-Lota - Château Cagninacci (perron)

 

 

L'extérieur est imposant mais l'intérieur n'a rien à lui envier. Les peintures qui ornent murs et plafonds sont souvent commandées aux meilleurs artistes de l'époque : Profizi, Conforti, Giavarini ... (cf Encyclopédie des peintres corses op.cit.)

 

 

 

Autres édifices : Villa Strenna à Ersa, Piccioni à Pino, Nicrosi à Rogliano, Renucci à Feliceto ...

 

 

Château Piccioni - Catalogue de l'Exposition
Château Piccioni - Catalogue de l'Exposition

 

 

 

Ainsi, dans la touffeur de ce soir d'été caniculaire, se dévoile un pan de notre histoire qui témoigne s'il en est besoin d'une autre particularité de la Corse.

 



 

 

Cependant, tous les palazzi de Corse ne sont pas ceux   d' Américains mais aussi de Corses de l'île qui ont voulu, eux aussi, montrer leur réussite sans pour autant avoir voyagé loin. 

 

 


 

 

Courez-y : vous avez jusqu'au 30 décembre 2017 pour voir cette exposition !

 

Bibliographie : La Corse et les Amériques, actes des 18è journées universitaires d'Histoire maritime de Bonifacio, sous la direction de Michel Vergé-Franceschi, Editions Alain Piazzola, mai 2017.

 

On retiendra en particulier, ces deux articles fort documentés et illustrés :

 

Les maisons d'Américains au Cap Corse, de Jean-Christophe Liccia, ancien Président-fondateur de l'Association Petre Scritte 

 

Décors peints et trompe l'oeil dans les maisons d'Américains au Cap Corse, de Michel-Edouard Nigaglioni, à l'époque Directeur du Patrimoine de la ville de Bastia.

 

 

 

 

A lire également l'ouvrage paru en 2006 aux éditions Albiana,  de Jean-Christophe Liccia, Caroline Paoli et Michel-Edouard Nigaglioni, Les Maisons "d'Américains".